FACÜIIIÏ ÜIÎ MÉÜI<;ClNli lîï DE l'HAKMACIE DE LYON
Année scolaire 1913-1914. — N® 103
APERÇU HISTORIQUE
SUR LES TRAVAUX CONCERNANT
L’éducation médico-pédagogique
ITARD SEGUIN BOURNEVILLE
(1T75-1838) (1812-1880) (1840-1906)
THÈSE
PRÉSENTÉE
A LA FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE LYON
Et soutenue |Milili(|HeRiettt le 14 Mars 1914
POUR OBTENIR LE GRADE.DE DOCTEUR EN UÉDECIHE
M““ Isabelle SAINT-YVES
Née à Paris, le 19 mars 1854.
LYON
A. RE Y, IMPRIMEUR-ÉDITEUR DE L^UNIVERSITÉ
4, RUE GENTIL, 4
Mars 1914
PERSONNEL DE LA FACULTÉ
MM. HüGOHNENQ.DOÏ0(.
J. COURMONT. assesseur.
PROFESSEURS HONORAIRES
MM. CHAUVEAU. AUGAGNEU-R, SOULIER, TRIPIER, CAZENEUVE, LËPINE, PIERRET
BEAUVISAGE, LACASSAGNE.
PROFESSEURS
Cliniques médicales.
CUniques chirurgicales.
Clinique obstétricale et Accouchements ....
Clinique ophtalmologique.
Clinique des maladies cutanées et syphiiitiqües
Clinique des maladies nerveuses et mentales .
Clinique des maladies des enfants.
Clinique des m-aladies des femmes.
Physique médicale.
Chimie médicale et pharmaceutique.
Chimie organique et Toxicologie .......
Matière médicale et Botanique.
Parasltologje et Histoire naturelle médicale . .
Anatomie. .
Anatomie générale et Histologie.
Physiologie.
Pathologie interne...
Pathologie et Thérapeutiques générales ....
Anatomie pathologique.
Médecine opératoire.
Médecine expérimentale et comparée.
Médecine légale.
Hygiène.
Thérapeutique.
Pharmacologie .
;mm. teissier
ROQUE
^ BARD
( X...
( X...
FABRE
ROLLET
NICOLAS
LEPINE (J.)
WEILL
POLLOSSON (A.)
CLUZET
HUGOUNENQ
MOREL
MOREAU
GUIART
TESTÜT
RENAUT
MORAT
COLLET
LESIEUR
PAVIOT
POLLOSSON (M.)
COURMONT (P.)
ETIE.NNE MARTIN
COURMONT (J.)
PIC
FLORENCE
PROFESSEURS ADJOINTS
Physiologie, cours complémentaire.mi. DOYON
Maladies des oreilles, du nez et du larynx. LANNOIS
Pathologie externe. . VALLAS
Maladies des voies urinaires. ROCHET
CHARGÉS DE COURS COMPLEMENTAIRES
Chimie minérale .
Propédeutique chirurgicale.
Propédeutique de gynécologie ....
Chirurgie mfantile .
Accouchements.
Embryologie.
-Anatomie topographique.
Botanique.
Chirurgie expérimentale .
Clinique infantile.
Déontologie et médecine professionnelle
MM. BARRAL, agrégé
BERARD, —
CONDAMIN, —
NOVE-JOSSER-AND. —
COMMANDEUR. —
LATARJET, —
PATEL, —
BRETIN, —
VILLARD, —
MOURIQU.4ND. —
X..., —
agrégés
MM. i
MM. !
MM.
MM.
BARRAL j
LATARJET
MOURIQUAND
FROMENT
COMM.ANDEUR 1
BRETIN
-ARLOING (F.)
THËVENOT
NEVEU-LEMAIRE
LERICHE
GUILLEMARD
PIÉRY
IAROYENTJE
THEVENOT (Léon)
PCLIC.ARD
COTTE
VORON
' T.AA^RNIER
G.iRIN
’DUROUX
NOGIER
; CADE !
S-AVY
M. BAYLE,
secrétaire.
EXAMINATEORS DE LA THESE
MM. WEILL. Président; LESIEUR, Assesseur;
MM. MODRIQÜAND, professeur et FROMENT, Agrégé.
La Faculté de médecine de Lyon déclare gxie les opinions émises dans les dissertatio^
qui lui sont présentées doivent être considérées comme propres à leurs auteurs, et qu eue
n'entend leur donner ni approOation ni improtation.
Au Docteur WEILL
Monsieur le Professeur,
Nous nous trouvons très honorée que vous ayez bien voulu
nous donner un sujet de thèse, et en présider la soutenance.
Notre étude est loin d'étre savante; mais nous y avons mis
toute notre conscience, et l’expression de notre foi absolue à la
primauté nécessaire de l'intervention médicale en faveur de tous
les déficients sans exception.
Sachant l'accueil bienveillant que votre bonté réserve aux
efforts personnels, c'est avec confiance que nous soumettons à
votre autorité notre modeste travail.
Nous vous prions, Monsieur le Professeur, d'agréer avec l’ex¬
pression de toute notre reconnaissance celle de notre profond
respect.
Isabelle SAINT-YVES.
i. s.-Ÿ.
HOMMAGE
de nos sentimiats de déférence et remerctmenU
aux Membres du Jury de notre soutenance :
Monsieur le Professeur LES]EUR
Monsieur le Professeur-Agrégé MOUlîIQUAND
Monsieur le Professeur-Agrégé FROMENT
et à là mémoire vénérée
du Docteur F. RABOT, médecin des Hôpitaux.
INTRODUCTION
Les questions d’éducation et d’instruction tiennent
actuellement en éveil la sollicitude générale.
Il n’est en effet pas besoin d’être grand clerc pour
saisir l’intérêt primordial attaché au développement
physique, moral et intellectuel de ceux qui seront
après nous la nation.
Celle-ci n’ayant de force que par le nombre, et de
grandeur que par la qualité des individus qui la consti¬
tuent, il importe à la société de veiller, d’abord à la
conservation des nouveau-nés, ensuite au développe¬
ment rationnel de toutes les unités infantiles. Ainsi,
dans la suite, ces unités infantiles pourront représenter
la plus grande somme possible d’activités utilisables,
sans courir le risque de retomber à la charge de la
collectivité, soit dans les hospices, soit dans les prisons.
Par malheur, s’il en. faut croire M. Raoul Düpuy,
« le nombre des enfants anormaux, infirmes, êtres
« difformes, futurs criminels, augmente de jour en jour,
« compromettant l’avenir du pays et de la race ^ ».
Est-ce bien exact? N’est-ce pas en raison de ce que
^ Raoul Dupuy, Monde médical, i5 mars igiS.
nous sommes plus avertis que nous voyons autour de
nous un plus grand nombre de déficients ?
Espérons-le, mais agissons en conséquence. Surtout
veillons à ne rien perdre des avantages obtenus en
matière d’éducation. Et, s’il est vrai, comme nous le
croyons d’après la parole de Pascal, que « toute la suite
« des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit
« être considérée comme un même homme qui sub-
« siste toujours et qui apprend continuellement b), il
importe, pour assurer la marche en avant, que la tra¬
dition relie entre elles les connaissances acquises à
celles en voie d’acquisition, afin que le trésor scienti¬
fique s’accroisse sûrement, sans menace de perte ou
de déficit.
C’est ce que nous tenions à établir au début de ce
travail_, pour être en droit d’affirmer qu’il ne saurait
être inutile de jeter un coup d’œil rétrospectif sur ce
qui a été fait précédemment en faveur des enfants
infirmes, déficients à un degré ou sous une forme
quelconque.
Nous prendrons comme point de départ la date des
premiers résultats obtenus au sujet de cette éducation
spéciale.
C’est vers le milieu du xviii® siècle que nous trouvons
en vedette les noms de Péreire pour les sourds-muets,
etd’HAÜY pour les aveugles. L’un et l’autre, en raison
des services rendus à l’humanité par leurs méthodes,
furent pensionnés, et reçurent le titre « d’interprètes
^ Pensées de Pascal : De l’autorité en matière de philosopha®)
1 ’’® partie, article 1.
— 9 —
du Roi », Péreire en lySô, Haüy en 1786. Vinrent
ensuite l’abbé de l’Epée, l’abbé Sicard et Braille,
tous instituteurs aussi ingénieux que dévoués.
Atteints dans un seul de leurs sens, sourds-muets et
aveugles ne sont en efPet que des infirmes, pouvant être
aidés et secourus par des méthodes, comme d’autres le
sont par des appareils orthopédiques.
Tout autre est le cas des enfants profondément
atteints dans le développement normal de tout leur
organisme.
Ceux-là sont des malades pour lesquels, comme le
dit fort justement M. Raoul Düpüy, il faut « rechercher
« les causes qui provoquent cet état, et l’étude de ces
a anomalies embrasse toute la pathologie^ ».
En effet, dès avant la naissance, il est indispensable
au médecin pour soigner ces malheureux, de connaître
à quelles vicissitudes a été soumis l’embryon humain,
dans les familles où sont en puissance: la misère phy¬
siologique, l’alcoolisme, la tuberculose, la syphilis, les
intoxications et les déformations professionnelles, sans
parler de l’état général de surmenage, et même de
l’excès de bien-être. Toutes ces causes et d’autres
encore, dont la prophylaxie et le traitement sont du
domaine de la médecine, font souvent de la famille un
foyer initial de dégénérescence morbide. Pour tous ces
mal-nés, que peuvent l’école et la société sans l’inter¬
vention médicale?
Pour eux, le secours utile n’est pas celui des méthodes
pédagogiques. Aucune intervention ne peut les attein-
1 Raoul Dupuy, Monde médical, i5 mars 1913 ,
TO —
dre, ou leur servir, s’ils n’ont été préalablement soumis
à des traitements médicaux aboutissant à une éducation
spéciale.
Et l’éducation n’est pas œuvre scolaire.
Elle est à tous les instants, et dès le berceau, l’adap¬
tation de l’individu au milieu dans lequel il doit évoluer.
La famille en fournit les premiers éléments ; puis, aux
hasards des contacts, y compris ceux de l’école, la
société parachève l’œuvre, ou la déforme et la détruit.
C’est donc aux médecins que reviennent le devoir et
le soin des recherches à faire en vue de régénérer les
constitutions défectueuses, en faisant œuvre d’éduca¬
tion.
Ils n’ont jamais failli à leur tâche. La disparition du
crétinisme dans certains pays en fait foi ; et, sans parler
de thèses récentes* soutenues ici même, une littérature
très riche témoigne que la question reste bien médicale.
Un siècle d’expérience nous renseigne à ce sujet, et
nous fournit la matière de cette étude en la justifiant à
titre documentaire.
Nous la diviserons en cinq chapitres ;
Chapitre I. — Discussion et choix des termes pour
désigner les enfants justiciables d'un trai¬
tement médico-pédagogique.
Chapitre IL — Précurseurs de Seguin et de Bour-
neville.
Chapitre III. — Seguin.
^ D*’ Chazal, 1907 , les Anormaux psychiques.
D‘' Vemalle, 1911 , VAnthropométrie des dégénérés.
Chapitre IV. — Bourneville.
Chapitre V. —Observations personnelles.
Nous sommes redevable de tout notre chapitre V à
la très grande bonté de M. le professeur Lesieur, qui,
au Perron, nous a autorisée à nous occuper des enfants
déficients de son service.
Il a consenti aussi à faire partie du jury de notre
soutenance. Nous le prions ici de vouloir bien agréer
l’expression de notre profonde gratitude.
APERÇU HISTORIQUE
SUR LES TRAVAUX COSCERNAUT
L’ÉDUCATION MÉDICO-PÉDAGOGIOUE
ITARD. - SEGUIN. - BOURNEVILLE
CHAPITRE PREMIER
DISCUSSION ET CHOIX DES TERMES
POUR DÉSIGNER LES ENFANTS
JUSTICIABLES D’UN TRAITEMENT MÉDICO-PÉDAGOGIQUE
Alors que nous suivions le cours de M. le professeur
Lacassagne, nous l’avons entendu commencer ainsi
une de ses conférences : « Messieurs, je dois aujour-
« d’hui vous entretenir de ce qui concerne les enfants
« naturels. Je renonce tout d’abord à vous donner la
« signification de ce terme, car je ne sache pas qu’il y
« ait des enfants surnaturels, et tout me porte à croire
« que chaque enfant, quel qu’il soit, est œuvre de la
« nature. Nous nous servirons donc de préférence des
« mots : bâtards et légitimes^ qui s’opposent très nette-
« ment et ne donnent lieu à aucun commentaire » .
Forte de cet exemple de l’un de nos Maîtres, des
— l/l —
plus autorisés et des plus distingués, nous protestons
ici contre le terme d’anormal, si in justement appliqué
aux jeunes déficients intellectuels ou psychiques.
Nous faisons trois griefs à ce terme :
1° Il est beaucoup trop vaste ;
2° Il est inexact ;
3 ° Il est dommageable à qui on l’applique.
En effet : 1“ les enfants qui naissent bossus, aveugles,
bancals, sont anormaux au même titre que les culs-de-
jatte, les xiphopages ou les idiots ; l’application de ce
vocable ne peut donc qu’engendrer la confusion;
2“ Son inexactitude est le corollaire de ce que nous
venons de dire, et, quand s’impose la recherche d’un
traitement efficace, nous croyons nécessaire de désigner
le mal par un terme aussi exact que possible ;
3 * L’enfant à qui ce qualificatif imprécis aura été
appliqué n’en conservera-t-il pas plus tard une sorte
de notoriété fâcheuse, même si ses progrès, ses efforts
et son travail le rendent capable de se suffire à lui-
même, et de se conduire honnêtement ?
Pour toutes ces raisons, en faveur des enfants d’in¬
telligence lente, faible ou nulle, nous proposons de
substituer au terme à'anormal celui de déficient. Du
plus au moins, il est toujours exact, et laisse place à
l’espérance de récupérer le déficit.
Le prototype de tous les déficients intellectuels est
l’idiot.
Quant aux déficients psychiques, nous les mettons a
part, pour les confier, en qualité de dégénérés, aux
criminalistes et aux aliénistes.
Nous croyons devoir préciser les caractères de
— 10 —
l’idiot, avant de nous occuper des enfants désignés par
le ternie d’arriérés.
Nous retiendrons de l’idiot deux définitions.
La première en date est de Diderot, qui s’exprime
ainsi : « Idiot se dit de celui en qui un défaut naturel
« dans les organes qui servent aux opérations de l’en-
« tendement est si grand, qu’il est incapable de corn-
« biner aucune idée, en sorte que sa condition paraît à
({ cet égard plus bornée que celle de la bête. La
« différence de l'idiot et de l'imbécile consiste^ ce me
« semble, en ce qu'on nait idiot et qu'on devient im-
« bécile. Le mot idiot vient de i^m-cnç qui signifie
« homme particulier^ qui s’est renfermé dans une vie
(' retirée, loin des affaires du gouvernement, c’est-à-
« dire celui que nous appellerions aujourd’huiun sage^ »
Cette définition de Diderot nous donne toute satis¬
faction. Elle est pleine de netteté, de sens commun, et
d’une ironie bien française.
Elle nous permet de différencier l’idiot de l’imbécile.
D’après Diderot, il n’y a pas là une simple question de
degré. Ce sont deux états différents, nous permettant
de penser et de dire que l’imbécillité n’atteint ni le
nourrisson, ni même la première enfance ; elle se déve¬
lopperait ultérieurement, sous des influences soit phy¬
siologiques, soit psychologiques. Dès lors les imbéciles
prennent rang parmi les aliénés et sont exclus des
sujets qui nous occupent.
Plus tard Esquirol dira : « Les facultés intellectuelles
‘ Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences des Arts et
de Métiers, t, XVIII, 1782 .
[6 —
« des idiots ne se sont jamais manifestées ^ ce qui
équivaut à cette parole de Seguin : « L’idiotie est con-
« génitale »
Enfin nous donnons une seconde définition, parce
que dans son livre : Traitement moral, hygiène et
éducation des idiots, Seguin écrit, p, i 56 : «L’idiotie
« était nommée mais elle n’était pas définie ; je lui ai
« imposé une définition. »
La voici : « L’idiotie est une infirmité du système
« nerveux qui a pour effet radical de soustraire tout
« ou partie des organes et des facultés de l’enfant à
« l’action régulière de sa volonté, qui le livre à ses
« instincts et le retranche du monde moral »
Cette définition, inexacte, est obscure. D’après ce
qu’il dit lui-même. Seguin n’aurait pas dû employer les
mots du système nerveux.
« Rien n’est moins connu, écrit-il quatre pages plus
« loin, quant au principe intime et impalpable de
« l’idiotie, à savoir la nature même de l’affection céré-
« braie que représentent les déformations du crâne »
ces dernières ne constituant même pas aujourd’hui une
présomption d’idiotie.
L’idiotie n’est donc pas une infirmité du système
nerveux, pas plus qu’elle n’est une maladie mentale.
Nous avons appris du reste, dans le Traité dés
1 Dictionnaire des Sciences médicales, t. XXIII, p. 507 .
^ Traitement moral, hygiène et éducation des idiots, par Seguin
(Bibliot. d’éduc. spéciale, t. III bis, p. 69 ).
® Traitement moral, hygiène et éducation des idiots, par Seguin
(Bibliot. d’éduc. spéciale, t. III bis, p. 76 et 77 ).
Traitement moral, hygiène et éducation des idiots, par Seguin
(Bibliot. d’éduc. spéciale, t. III bis, p. 81 ).
— 17 —
Maladies infantiles^ de notre Maître, M. le professeur
Weill, que « l’idiotie, dans son sens le plus large, ne
« se rattache à aucune lésion précise ^
De plus, il est inexact de dire que cette infirmité
soustrait tout ou partie des organes de l’enfant â l’ac¬
tion régulière de sa volonté, parce que l’idiotie n’a pas
de degré. Elle est l’incoordination totale des fonctions
de l’entendement avec celles de la volonté, qui, d’après
Pinel « sont absolument distinctes les unes des autres^ ».
Par conséquent, dès les premiers rapports rationnels
des organes avec l'entendement et la volonté, soit de
l’enfant, soit d’autrui, l’idiotie cesse et l’arriération
commence. Les degrés en sont innombrables.
Nous proposons d’accepter la définition de l’idiotie
d’après Seguin, sous cette forme : « L’idiotie est congé-
« nitale. C’est une infirmité qui a pour effet de sous-
« traire les organes et les facultés de l’enfant à toute
« volonté. Elle le livre à ses instincts et le retranche du
« monde moral. »
Et c’est lui, l’idiot, qui est la mine inépuisable des
découvertes faites ou à faire ; il est le sphinx de l’obser¬
vation duquel doivent sortir toutes les règles et les
moyens nécessaires au traitement et à l’éducation des
enfants déficients intellectuels ou psychiques, des
enfants infirmes, voire même des enfants ordinaires.
Toutes les ressources de la médecine doivent être
mises à contribution en sa faveur : hygiène, opothé¬
rapie, physiothérapie, chirurgie, et, dès le premier
^ Weill, Traité des Maladies infantiles, t. II, p. 298.
' Pinel, Traité de l’Aliénation mentale, p. 81, Paris, 1809.
— i8 —
âge, culture physique rationnelle et massage pour
l’éducation des réflexes.
Enfin, comme le demande très justement M. Raoul
Dupuy ; « Il faudrait s’entendre sur le terme à'arriéré
« que l’on applique souvent à des enfants qui n’en
« sont pas justiciables. » S’appuyant de l’autorité de
MM. Demoor de Bruxelles et Paul Boncour, il
ajoute : « Tout enfant retardé d’un certain nombre
« d’années dans ses études n’est pas fatalement un
« arriéré f »
Mais si c’est un arriéré, toutefois ce n’est pas
un déficient ; car tout arriéré n’est pas forcément
un déficient, tandis que tous les déficients sont
forcément des arriérés. Pour la précision du fait, il
serait peut-être utile de tenir compte de la différence
en faveur du terme de déficient.
D’autre part nous acceptons pour ceux-ci la division
que propose M. Raoul Dupuy en deux classes : i® les
déficients atrophiques^ constituant en général les
échelons les plus bas dans -l’anomalie intellectuelle, les
individus atteints congénitalement, dont l’état ne se
rattache à aucune lésion précise ; et 2° les déficients
dystrophiques^ les uns et les autres relevant direc¬
tement d’un traitement médico-pédagogique.
Nous ne parlerons pas d’anormaux.
Nous ne nous occuperons que des travaux faits ou à
faire en faveur des idiots et de leurs congénères, les
déficients.
Nous n’hésitons pas à affirmer avec Seguin et
R. Dupuy, Presse médicale, 12 avril igiS.
19 —
Bourneville que, plus heureux que les sourds-muets
et les aveugles, la plupart d’entre eux peuvent et doi¬
vent être améliorés, et qu’un grand nombre sont tout
à fait guérissables.
CHAPITRE II
PRÉCURSEURS DE SEGUIN ET DE ROURNEVILLE
Le début des études concernant l’éducation médico-
pédagogique coïncide, au commencement du xix® siècle
avec les travaux de Pinel et d’EsQumoL en faveur des
aliénés.
Cependant, dans son Traité des Maladies men¬
tales, Esquirol, en citant les noms et travaux de
quelques médecins du xviii® siècle, nous apprend
qu’une certaine orientation médicale se produisait
déjà en faveur de Tétude des débilités mentales, et
la définition de Diderot en est aussi le témoignage
évident.
Nous citerons de cette époque les noms les plus
intéressants à notre point de vue pour Eexactitude
documentaire de la tradition médicale dont nous ébau¬
chons l’histoire. Puis nous parlerons des médecins
qui furent les initiateurs et les maîtres de Seguin;
enfin nous mentionnerons quelques-uns de ses con¬
temporains.
Notre chapitre aura donc trois paragraphes :
1° Précurseurs;
2® Maîtres;
3“ Contemporains de Seguin.
— Si —‘
§ I. — LES PRÉCURSEURS
Les premiers travaux cités par Esquirol remontent
à 1763, avec la Nosologia methodica de François
I Boissier de Sauvages. Celui-ci soutint sa thèse à
Montpellier en 1726. Il y est discuté sur la différence
à établir entre la démence, l’imbécillité, la bêtise ou
( niaiserie. Ce traité, en cinq volumes in-8®, fut traduit
en plusieurs langues, notamment en français par le
D"” Goüvion qui le publia à Lyon en 1772.
Ce même ouvrage inspira le travail de Sagar,
médecin morave, qui n’en sut tirer qu’une elassifi-
I cation à outrance.
I Enfin Pinel (1745-1826) étudie « l’idiotisme » dans
I son Traité médico-philosophique sur l’Aliénation ou
f la Manie.
Il ^estime que la division la plus nombreuse des
aliénés des hospices est .celle des idiots. Il caractérise
« l’idiotisme » par une « oblitération plus ou moins
« absolue des fonctions de l’entendement et des
« affections du cœur; quelquefois rêvasserie douce
« avec sons inarticulés ; d’autres fois taciturnité et
' « perte de la parole par défaut d’idées. Certains idiots
« sont très doux; d’autres sont sujets à des quintes
« très vives et sont très emportés L »
Pinel considéra toujours l’idiotisme comme incu¬
rable.
Deux médecins savoyards^ Daquin (1757-1815) né
^ Pinel, Traité mécUcù-philus., p. iGG à 174, Paris, 1801.
3.-Y*
22 —
à Chambéry, et surtout Fodéré (1764-1835) né à
Saint-Jean-de-Maurienne, attirèrent par leurs travaux
respectifs l’attention du monde savant sur le a créti¬
nisme )) si commun dans leur pays, et dès lors les
crétins commencèrent à être très justement différenciés
des fous par leurs lésions thyroïdiennes.
Enfin, le D*' Amar, chirurgien en chef de l’Hôpital
général de la Charité à Lyon, a donné dans son
Traité analytique de la Folie deux observations
« d’idiotisme », l’une empruntée à Pinel, l’autre ori¬
ginale et intéressante pour nous, en ce qu’elle concerne
un enfant de l’un de nos hôpitaux.
OBSERVATION
(Hospice de la Charité, 1807).
Benoît M..., âgé de quarante ans, né à la Charité, a donné des
signes d’imbécillité dès sa plus tendre enfance. Il fut d’abord
placé à la campagne en qualité de berger. Plusieurs fois il aban¬
donna dans les champs les animaux qu’on avait confiés à sa
garde, sans même se rappeler de les y avoir conduits. Dans
l’âge adulte, il fut placé chez un paysan qui lui donnait fréquem¬
ment du vin et il contracta chez lui l’habitude de se livrer à
cette boisson. Un jour, s’étant enivi’é, il oublia de fermer le
robinet et le tonneau se vida. Son maître s’en aperçut et le frappa
d’une manière si rude qu’on ne put le contraindre à rester davan¬
tage chez un homme aussi brutal. Il revint à la Charité où il a
demeuré depuis et où il m’a fourni l’occasion de l’observer.
Cet idiot est matinal. Il s’acquitte assez bien des travaux de
propreté auxquels on l’emploie dans l’hospice. Il aime beaucoup
la solitude, et, dès qu’il peut, il se retire dans quelque lieu
écarté. Là, ayant devant les yeux une paille, qu’il tient vertica-
- 23 —•
lement entre le pouce et 1 index, et qu’il regarde d’une façon
mystique, il se promène, parle bas, chante, siffle, gesticule et
grimace à son aise. En moins de quelques minutes il parcourt
ses différents états, il recommence et ne cesse qu’à son coucher.
Quoiqu'il ait très peu de mémoire, il n oublie pas l'heure des
offices, des repas, ni des choses dont il a contracté une grande
habitude ....
Si l’on veut interrompre ses habitudes, lui enlever ses effets,
ou le priver de vin, il s'emporte, entre en fureur, brise tout ce
qui se présente à lui, se frappe la tête et fait des cris épou¬
vantables.
. . . . Il jouit d’une assez bonne santé.
Il eut, il y a quelques mois, un panaris et un dépôt froid dans
les glandes cervicales. Pendant ces diverses maladies, il ne bal¬
butiait pas, ne sifflait pas, ne criait point, gesticulait et gri¬
maçait rarement. Il semblait que sa raison prenait plus d’empire
et que son intelligence se développait à proportion de l’intensité
du mal physique.
Les diamètres et les circonférences de la tête ayant été
mesurés dans tous les sens n'ont présenté rien de particulier qui
justifiât son idiotisme.
Cette observation nous offre aussi l’intérêt d’une
ébauche d’éducation, bien qu’il n’y ait eu à ce sujet
ni plan, ni méthode, en faveur de cet être impulsif
et ri ayant que très peu de mémoire.
Il s'acquittait bien des travaux de propreté, donc
il devait lui-même être propre.
Il n'oubliait pas les offices, etc., etc., c’est que
l’habitude lui avait permis d’acquérir une certaine
notion du temps.
— 24 —
Enfin, tanatomie de son cerveau et de son crâne ne
justifiait en rien son idiotisme.
De plus, cette observation est exactement contem¬
poraine de celles fournies par le Sauvage de l’Aveyron
au D’’ Itard.
C’est en 1807 que celui-ci adressa au ministre de l’In¬
térieur son second rapport concernant le Sauvage, et
c’est aussi en 1807 que fut publiée à Lyon, par le
D' Amar, l’observation de Benoît M...
§ II. LES MAITRES
ITARD (1775-1838).
IxiiRD (Jean-Marie-Gaspard) devait être commer¬
çant L Pour lui éviter, en 17941 service militaire,
un oncle chanoine le recommanda à un de ses amis,
directeur de l’hôpital de Toulon, alors transféré à
Solliès.
Itard, qui n’avait jamais ouvert un livre de méde¬
cine, fut employé comme chirurgien de troisième
classe, et ce titre lui révéla sa vocation.
En 1796, il travaillait sous les ordres de Larrey au
Val-de-Grâce, Il y fut nommé au concours chirurgien
de deuxième classe, mais donna sa démission pour
ne pas quitter la capitale afin d’y continuer ses études.
Pinel et Gorvisart s’y disputaient alors rensei¬
gnement médical ; celui-ci plus original, Pinel plus
dogmatique.
’ Mémoires de l'Acad. de Méd., l. YHI. p. i, i84«, « Eloge du.
Df llard », par le I)'' Roiiscjuol,
— 2.5 —
Itard s’enrôla sous la bannière de Pinel. Mais à la
fin de sa carrière, si l’impression produite sur lui par
le Nosographie n’était pas encore effacée, l’âge avait
singulièrement refroidi son enthousiasme pour l’ou¬
vrage, sans diminuer toutefois ses sentiments de recon¬
naissance et d’admiration pour Fauteur.
Itard habitait le faubourg Saint-Jacques,
Un jour, survient un accident à l’Etablissement
National des Sourds-Muets. On court chercher un mé¬
decin. M. Itard arrive, examine, donne ses soins et le
malade guérit. L’abhé Sicard, successeur de l’abbé de
l’Epée, comprenant la nécessité d’attacher un médecin
à F établissement, offrit la place au jeune docteur dont
il avait apprécié le caractère.
Dès lors, Itard entra dans toutes les vues de la phi¬
lanthropie au sujet des jeunes enfants confiés à ses
soins. Il voulut les connaître à fond, et se livra à cette
étude avec toute l’ardeur d’un caractère que les diffi¬
cultés ne font que stimuler.
La rapidité de ses progrès explique le choix dont il
fut l’objet dans une circonstance mémorable. C’est à
lui que fut confiée la première étude médico-pédago¬
gique à faire sur le Sauvage de F Aveyron.
A ce sujet, Itard se trouva en désaccord avec son
maître, Pinel, qui avait porté le diagnostic « d’idio¬
tisme incurable », Itard osa prononcer un jugement
contraire et entreprit l’éducation de cet être déshérité,
dégradé, insociable.
Imbu des théories de Gondillac, il s’attacha particu¬
lièrement à l’éducation des sens de son élève, espérant
que, par la suite, l’imitation, la pensée et la parole
seraient la conséquence de leur adaptation à la con¬
naissance de tout ce qui nous entoure.
Les théories et l’enseignement de Gall sur l’ana¬
tomie et la physiologie du cerveau devaient bientôt
permettre à Itard et à ses successeurs de eorriger ce
point de départ défectueux,
Itard ne consacra pas moins de cinq années eonsé-
cutives à cette éducation sans obtenir la preuve que le
développement de l’intelligence soit subordonné à
l’intégrité et à l’éducation des sens. Jamais cet enfant,
qui n’était pas sourd, ne put apprendre à parler.
Le plan de cette éducation méthodique, dont il
n’existait pas de modèle, fut le point de départ de tous
les travaux ultérieurs.
Le résultat obtenu rendit célèbre le D’’ Itard dans
toute l’Europe, et lui valut de l’Empereur de Russie
l’envoi d’une bague d’un grand prix, avec les offres les
plus séduisantes pour aller se fixer à Saint-Péters¬
bourg. Itard demanda par politesse du temps pour
réfléchir ; mais il était bien décidé à rester fidèle à sa
patrie.
Dix-sept ans après, Itard lisait à la première séance
publique de l’Académie un Mémoire sur le mutisme
produit par la lésion des facultés intellectuelles.
En 1821, Itard avait fait éditer \e Traité des
Maladies de Voreille et de l’audition. Cet ouvrage et la
sonde qui porte son nom rappellent seuls sa mémoire
à la postérité.
Il nous paraît intéressant de donner ici un aperçu
1 Mémoires de l’Àcad. Roy. de Méd., t. I®’’, 28 juillet 1824.
— 27 —
de ce qu’était le Sauvage de l’Aveyron. Nous nous
servirons pour cela du travail du D'’ Delasiauve, et de
sou appréciation des Rapports d'Itard sur le Sauvage,
en 1806 et 1807,
« Si on a le droit de s’étonner, dit-il au début de son
« analyse, c’est que, trop peu appréciée, la double
« relation du célèbre professeur ne figure point dans
« les traités spéciaux, comme un premier chapitre
(( important de l’éducation des idiots ^ »
A notre avis, il serait nécessaire d’y joindre le
Mémoire sur le mutisme produit par la lésion des
facultés intellectuelles.
2« OBSERVATION
Le Sauvage de l'Aveyron.
Jeune garçon âgé d’environ onze ou douze ans, capturé vers
la fin de Fan Vil, par trois chasseurs, dans les bois de la Caune,
où il avait déjà été entrevu, entièrement nu, cherchant des
glands et des racines pour sa nourriture.
Des indices indéniables de clairvoyance se révélaient dans les
manifestations de son existence vagabonde et solitaire. La peur
du danger lui avait appris à grimper aux arbres ; ce qu’il essaya
de faire au moment où il fut capturé et une circonstance.
curieuse prouve que, pour sa nourriture, il ne prélevait pas son
tribut exclusivement sur les végétaux : on lui présenta un jour
un serin mort ; en un instant il le déplume, le déchire avec ses
ongles, le flaire et le rejette.
Un ministre^, protecteur des sciences, pensa que celle de la
pédagogie pourrait tirer quelques lumières de cet événement.
^ Delasiauve, Journal de Méd. mentale, t. V, p. i et suiv., 1864.
^ M. de Ghampigny.
- 28 -
Des ordres furent donnés pour que cet enfant fût amené à Paris.^
L’impression qu’il recevrait de la capitale préoccupait l’atten¬
tion des témoins. Sop indifférence fut absolue.
Mobile, farouche, mordant, ég-ratignànt, malpropre, affecté de
tics convulsifs, se balançant à la façon de certains animaux de
la ménagerie, toujours prêt à fuir, sans attention aucune, on
Commença par douter de sa transformation. Devant une Société
savante, Pinel, qui avait été chargé de l’examiner, porta le
diagnostic d’« idiotisme incurable ». Les sens étaient muets
comme la sensibilité et l’intelligence. Les gestes incohérents et
automatiques, l’inaptitude absolue à l’imitation attestaient
l’absence d’observation et de mémoire.
Son corps portait vingt-trois cicatrices de morsures ou d’écor¬
chures disséminées sur les membres et le corps. Ni Pinel, ni.
Itard, ne font mention de la physionomie et de la conformation
crânienne. A en juger par le portrait dessiné de profil, l’une et
l’autre auraient été régulières.
Cet enfant supportait des températures extrêmes. Il se tenait
parfois, en hiver, accroupi, presque nu, sur un sol humide,
exposé pendant des heures entières à un vent froid et pluvieux.
Près du feu, si un charbon ardent roulait de Pâtre, il le prenait
avec ses doigts et le replaçait sans précipitation sur les tisons
enflammés Plus d’une fois, à la cuisine, il fut surpris enlevant
avec la main des pommes de terre qui cuisaient dans l’eau bouil¬
lante, et «je puis assurer, dit le D’Allard, qu’il avait, même en
ce temps-là, un épiderme fin et velouté ^
Qn pouvait bourrer son nez de tabac sans provoquer l’éter¬
nuement. Un coup de pistolet ne l’émouvait pas, mais il se
retournait au bruit de noix ou de tout autre corps lui servant
d’aliment ..
^ Itard, Premier compte rendu sur le Sauvac/e, II® vue, second
alinéa.
— 2Ç) ~
Au bout de trois mois, le toucher se montra seasible à l’im¬
pression des corps chauds ou froids, unis ou raboteux ; la moindre
irritation de l’odorat provoquait un éternuement, ce qui fut
jugé une chose nouvelle pour lui, par la frayeur dont il fut saisi
la première fois qu’il lui arriva d’éternuer; tout de suite il alla
se jeter sur son lit.
Il ne supporta plus la malpropreté.
Les résultats acquis pour le touchei*, l’odorat et le goût, ne
s’étendirent pas à tous les organes. A cette époque, la vue et
l’ouïe n’avaient fait aucun progrès..
L’échec fut à peu près complet quanta la parole, même jusqu’à
la fin de la vie... .
L’éducation psychique rencontra de sérieuses difficultés.
Ayant collé sur une planche trois morceaux de papier : un
circulaire et rouge, le second triangulaire et bleu, le troisième
carré et noir, il fut adapté des cartons mobiles de même gran¬
deur, de même forme et de même couleur. Ces cartons enlevés,
l’enfant les replaçait sans difficulté. Les couleurs furent unifiées,
ensuite les figures; les erreurs furent peu nombreuses et passa¬
gères. Les complications ayant été multipliées, l’attention se
fatigua, le dégoût survint. L’enfant dispersait les cartons avec
colère; on insista; les accès prirent le caractère de frénésie et
même de mal caduc. La douceur ne fit qu’aggraver les accidents.
M. Itard, très embarrassé, en vint à un expédient extrême.
L’enfant étant un jour sur la plate-forme de l’Observatoire,
avait été pris d’une grande terreur en s’approchant du parapet.
M. Itard, au fort d’une crise, le saisit violemment, et le soulève
près d’une fenêtre ouverte du quatrième étage. Pâlissant, cou¬
vert de sueur, l’élève calmé l’amasse et replace ses cartons. A
partir de cette secousse, la docilité fut plus grande et les sym¬
ptômes nerveux ne se reproduisirent jamais.
Le sentiment de justice avait jeté quelques,racines dans son
âme. Dans le principe, naïf par inconscience, il prenait et ne
dérobait pas. La répression transforma l’impulsion indifférente
en vice. Il accomplit ses larcins en se cachant. Usant de repré¬
sailles, on enlevait furtivement de sa poche ses petites provi¬
sions. Il se résigna et s’abstint.
La leçon avait-elle été comprise ?
Un jour que, pour son travail, il attendait une récompense,
Itard affectant une figure sévère l’entraîne vers le cachot. Ordi¬
nairement il y entrait sans résistance. Cette fois sa révolte fut
telle, qu’il moi’dit son maître à la main.
Néanmoins, il resta une énigme pour Itard, à cause de
l’échec absolu pour toute acquisition concernant les communi¬
cations verbales.
En grandissant, le Sauvage de l’Aveyron devint, par ses écarts,
un embarras vis-à-vis des autres élèves. L’Administration crut
prudent de le loger au dehors, impasse des Feuillants, n^ 4 ,
sous la tutelle de sa gouvernante M“*® Guérin, avec laquelle il
vécut jusqu’à sa mort, survenue en 1828; il avait environ qua¬
rante ans.
Nous sera-t-il permis d’émettre le regret que le
Sauvage n’ait pas été soumis, par des tentatives métho¬
diques, à l’épreuve de l’enseignement collectif? L’orga¬
nisation du travail, manuel ou scolaire, à l’Etablisse¬
ment National des Sourds-Muets de la rue Saint-
Jacques ne permettait sans doute pas à cette époque
de tenter un essai de ce genre. Le cas du Sauvage
étant jugé médical, sa présence dans les classes ou
dans les ateliers aurait peut-être semblé une intrusion.
Notre regret nous paraît d’autant plus justifié,
que nous connaissons l’exemple actuel d’un jeune
garçon, d’environ quinze ans, muni de son certificat
d’études, très gai, causant bien, commençant à jouer du
violon, et se disposant à apprendre un métier avant de
quitter l’établissement de Sourds-Muets dans lequel
ont été faites son éducation et son,instruction. Doué du
sens de l’ouï, il a bénéficié de la vie commune avec
des sourds-muets qui apprennent à parler. Il fut
apporté à l’établissement il y a une dizaine d’années,
ne parlant pas, ne marchant pas, ne paraissant ni voir
ni entendre, et gâteux.
Ne serait-ce pas du reste à cette catégorie de malades
que furent consacrés les efforts de l’intelligence d’IxARu
jusqu’à la fin de sa vie?
L’ensemble général de son œuvre semble le démon¬
trer jusqu’à l’évidence.
Depuis i8oi il s’occupa constamment à développer
le programme, l’ensemble des moyens, et la méthode
de l’éducation médico-pédagogique.
Ses deux Rapports sur le Sauvage (1806-1807), si
fortement appréciés par M. DeLasiatjve, en sont le
point de départ.
Puis le Mémoire sur le mutisme produit par la
lésion des facultés intellectuelles^ y fait suite en
1824-
^ Husson, rapport lu à l’Acad. Roy. de Méd. te 6 mai 1828.
Enfin, trois autres mémoires, devenus introuvables
traitaient de VEducation physiologique du sens auditif
ùhez les Sourds-Muets, questions soumises par le Gou¬
vernement à l'Académie Royale de Médecine en 1828.
D’après le Hüsson ^ ces mémoires représentaient le
compterendu complet des observations aussi éclairées
que consciencieuses de toute la vie du D*‘ Itard.
Suivant les paroles du Bousquet en séance
publique de cette même Académie le i®’’décembre 1839:
« Les dates sont importantes à noter pour conserver à
« M. Itard une gloire qu’on a voulu lui ravir. »
Itard était mort le 5 juillet i 838 .
ESQUIROL (1772-1840)
Esquirol (Jean-Etienne-Dominique) devait être
prêtre.
Il était à Saint-Sulpice quand la Révolution ferma
cette maison. Obligé de retourner à Toulouse, le jeune
séminariste entra comme infirmier à l’hospice de la
Grave, où son assiduité au travail le fit devenir élève
d’élection de Gardiel et d’Alexis Larrey.
En 1794, quand Itard entrait à l’hôpital militaire
de Toulon, Esquirol, âgé de vingt-deux ans, était
envoyé en qualité d’officier de santé à l’armée des
Pyrénées-Orientales.
Revenu à Paris pour y continuer ses études, Esqui¬
rol devint élève de Pinel et fut l’interne de celui-ci
^ Bousquet, « Eloge d’Itard », MAm. de l'Acad. Roy. de Méd..,
t, VIII, 1840.
— 33 —
pendant les six années qui précédèrent la soutenance
de sa thèse ayant pour titre: Des passions considérées
comme causes^ symptômes et moyens curatifs de l’alié¬
nation mentale. Celle-ci fit sensation et fut bientôt
traduite en anglais, en allemand et en italien.
Ce travail peut être considéré comme le préambule
de l’œuvre capitale que le célèbre aliéniste écrivit
ensuite : Des maladies mentales considérées sous le
rapport médical, hygiénique et médico-légal. Dans cet
ouvrage il consacre un chapitre à l’idiotie^.
En i8i8 , Esquirol, par une étude publiée dans le
Dictionnaire des Sciences médicales"^, avait établi que
le terme Idiotie, qui n’exprime qu’une idée médicale,
doit être préféré à celni d'idiotisme, réclamé par les
grammairiens. Il définit l’idiotie « comme un état dans
« lequel les facultés intellectuelles ne se sont jamais
« manifestées ».
Il formule les conclusions concernant l’idiotie, dans
son livre des Maladies mentales., par six propositions
dont les i’’®, 4 * et 5 ® sont seules à retenir aujourd’hui.
« L’Idiotie a des caractères propres qui la diffé-
« rendent des autres vésanies ;
« 4^. Les causes de l’idiotie sont toutes idiopa-
« thiques ;
« 5 ®. Il n’y a pas de formes de crânes propres à
« l’idiotie. »
Dans ce même ouvrage, Esqüirol en appelle à l’au¬
torité d’IxARD, quand il étudie l’état sensoriel des idiots,
^ Esquirol, Des maladies mentales, t. II, p. 283 à 397, Paris, i 838 .
' Dict. des Sciences médicales, t. XXIII, p. 007.
- 34 -
en rapport avec l’idéation, et cite notamment le 2® rap¬
port de 1807 concernant le Sauvage de l'Aveyron.
Esquirol mourut en 1840.
Comme pour le Itard la Révolution détermina
sa vocation, et l’iin et l’autre furent les élèves de Larrey
et de Pinel, avant de devenir les maîtres de Seguin.
§ III. — LES CONTEMPORAINS
Les noms à citer dans cette partie de notre travail
sont trop nombreux pour qu’ils nous soit possible de
tous les énumérer. Quelques-uns sont illustres, comme
ceux de Gall et de Spurzheim qui, dans leurs doctrines,
exagérèrent la puissance de l’éducation. Le dernier se
fit recevoir docteur à la Faculté de Paris en 1821, avec
une thèse sur VAnatomie du cerveau.
Les théories de ces deux savants éveillèrent une
curiosité attentive chez les aliénistes, et certains méde¬
cins qui s’intéressaient à l’idiotie. Flourens recom¬
mande cependant de distinguer essentiellement dans
Gall, — « l’auteur dn système de phrénologie, de l’oh-
« servateur profond qui a ouvert avec génie l’étude
« de Fanatomie et de la physiologie du cerveau ^ ».
Par ses doctrines toutes physiologiques, Gall annula
les théories de Condillac, que l’expérience pratique
d’IïARD avait déjà battues en brèche. Son système
de phrénologie fut, d’autre part, certainement mis à
l’épreuve; mais il n’a fourni aucun développement à la
méthode de l’éducation médico-pédagogique.
^ Flourens, De la, phrénologie et des études vraies sur le cerveau,
Paris, i 863 .
— 35 —
Nous citerons les noms de quelques aliénistes, parmi
ceux qui accordèrent aux idiots de leur service une
attention particulière, seulement pour marquer dans
notre pays la non-interruption des recherches à ce sujet.
Ferrus (1774-1861), promoteur de la loi sur les
aliénés du 3 o juillet 1 838 , laisse les idiots ressortir de
cette loi ; mais il conseille l’emploi des exercices physi¬
ques pour le traitement de leur infirmité.
Foville (1799-1878) différencie l’idiotie de la
démence, en ce que celle-ci est accidentelle, et celle-
là primitive et congénitale.
Parchappe (1800-1866) dit que l’idiotie est due à
une imperfection dans le développement de l’encé¬
phale, datant de la vie intra-utérine, et que l’imbécil¬
lité au contraire est consécutive à une lésion orga¬
nique développée pendant le cours de la vie. Il
s’occupa beaucoup à leur sujet des questions d’assis¬
tance.
Dubois d’Amiens (1799-1873) divise les idiots en
trois catégories :
1° Les idiots réduits à Fautomatisme ;
2“ Les idiots réduits à l’instinct ;
3 ° Les idiots capables de détermination raisonnée,
mais d’intelligence dégradée.
Autrement dit :
I ° et 2° égalent idiots ;
3*^ égale déficients ;
II conclut à rinternement pour les deux premières
catégories, et pour la troisième trouve suffisante la
constitution d’un conseil judiciaire ; décision qui nous
paraît aujourd'hui aussi insuffisante que sommaire.
— 36 —
Nulle part ne se trouve ni conseil, ni essai de traite¬
ment, sauf de vagues indications comme celles de
Ferrus en faveur de la gymnastique. Il est donc inutile
de pousser plus loin l’énumération.
Mais nous devons parler avec plus de détails de
deux médecins, contemporains de Seguin, ayant eu, à
des titres différents, l’occasion de sévèrement apprécier
sa conduite et son caractère.
Ce sont les D’’® Félix Voisin et Belhomme.
Voisin Félix (1794-1872). Ce médecin fut certaine¬
ment un admirateur, et peut être même un disciple de
Gall. Il prit une part active aux études pédagogiques
qui intéressaient si profondément le monde médical à
son époque, et rechercha les « Applications de la phy-
« siologie du cerveau à l’étude des enfants qui néces-
« sitent une éducation spéciale ».
Il pose la question sous cette forme : « Quel mode
« d’éducation faut-il adopter pour les enfants qui sor-
« tent de la ligne ordinaire et qui, par leurs particula-
« rités natives ou acquises, forment communément la
« pépinière des aliénés, des grands hommes, des
« grands scélérats et des infracteurs vulgaires de nos
« lois ‘ ? ».
Afin de se documenter le plus complètement pos¬
sible, il sollicita auprès de qui de droit, l’autorisation
de visiter les enfants dans les prisons et dans les bagnes,
comme il pouvait le faire chaque jour librement dans
les hôpitaux et dans les asiles.
^ Bourneville, « Mémoires sur Tidiotie », Bihl. d’éduc. spéciale,
l. B'-, p. 281.
-^ 37 -
Ét pour mettre ses théories et les résultats de ses
observations en pratique, il ouvrit, en i 834 , un
établissement orthophrénique, où il se proposait
de faire l’éducation d’enfants mal-nés, divisés en
quatre catégories :
« i" Enfants nés pauvres d’esprit ;
« 2° Enfants nés comme tout le monde, mais
« auxquels une éducation première mal dirigée a fait
« prendre une direction vicieuse ;
« 3 ^ Enfants nés avec des caractères difficiles, or-
« gueil incommensurable, passions ardentes, penchants
« terribles ;
« 4 ® Enfants nés de parents aliénés, fatalement pré-
« disposés en naissant à l’aliénation mentale ou à
« toute autre affection. »
Nous n’avons pas à examiner pour quelles raisons
cette tentative échoua. Quoi qu’il en soit, le D’’ Voisin
continua de s’intéresser aux enfants mal-nés, d’autant
plus que, médecin à Bicêtre depuis i 83 i, il avait dans
son service un certain nombre d’enfants idiots.
C’est à leur sujet que, devenu médecin en chef, il ré¬
digea un mémoire : De Vidiotie chez les enfants et de
leur responsabilité morale, lu à l’Académie royale
de Médecine le 24 janvier i 843 , dans lequel il s’ex¬
prime ainsi au sujet de Seguin, nommé instituteur à
Bicêtre en octobre 1842 b
« Lorsque nous parlons des hommes qui se sont occu-
« pés des idiots, nous ne pouvons pasyMessieurs, ne pas
« mentionner ici avec quelque distinction, M. Seguin,
' Bourneville, Bihl. d'éduc. spéciale, t. I”’, p. 170.
— 38 —
« que nous avons été assez heureux, M. Ferrus et moi
« pour recommander à l’estime et à la bienveillance
« du Conseil général des hospices, et qui vient d’être
« nommé instituteur de nos enfants à Bicêtre. Doué
« d’un caractère énergique, plein de capacité, bon
« observateur, maître de son temps, il a tout ce qu’il
« faut pour travailler la matière et servir à la fois
« la science et l’humanité. Déjà en i 838 et depuis, il a
« publié le résultat de ses efforts sur un certain nombre
« d’enfants qu’il a assez heureusement modifiés. Les
« études tout à fait spéciales qu’il n’avait pas pu faire
« jusqu’alors ne vont point tarder, je l’espère, à lui deve-
« nir familières, et je ne doute pas qu’il ne soit bientôt
« en état par ses compositions psychologiques de pren-
« dre un rang distingué parmi ses contemporains. Nous
Cf avons d’ailleurs l’intention de publier en commun
ce tous les faits que nous recueillerons dans mon ser-
« vice particulier. »
Il n’a pas été donné suite à cet engagement de publier
en commun les observations intéressantes prises dans
le service du D"' Voisin à Bicêtre. Du reste, les rapports
entre le corps médical et l’instituteur furent tels, qu’ils
durent être rompus dès la fin de la première année.
Cependant, nous insérerons à la suite de ce second
chapitre deux tableaux destinés par leurs auteurs à ser¬
vir de guide pour l’examen physique et psychologique
d’un idiot.
Le premier a été établi par le D‘‘ Voisin (p. 45 );
second, par Seguin (p. Sa).
Avant de le présenter dans son ouvrage sur le Trai¬
tement moral de l'idiotie, page iSy, Seguin le fait
— 39 —
précéder d’une série de réflexions si malveillantes pour
le corps médical tout entier, et le médecin-chef en
particulier, qu’il est difficile d’imaginer des relations
plus désagréables que celles existant entre ceux-ci et
l’instituteur. *
L’œuvre de Seguin fut publiée trois ans après son
départ de Bicêtre ; sa rancune et sa malveillance sont
inscrites à toutes les pages de son œuvre.
Nous n’avons trouvé son nom mentionné par
M. Voisin que dans le discours cité plus haut ; et nous
verrons tout à l’heure M. Belhomme se montrer non
moins bienveillant.
Belhomme Jacques-Etienne (1800-1880), auteur
d’une thèse sur l’idiotie, soutenue en 1824- A cette
date M. Belhomme paraît absolument ignorer l’existence
d’iTARD et du Sauvage de l’Aveyron.
Elève d’EsQUiROL, il adopte et développe les théo¬
ries de son maître en leur donnant la priorité sur
celles de Pinel.
Fidèle aux opinions d’EsQUiROL, il dit dans ses con¬
clusions « que l’idiotie peut être traitée avec avantage,
« mais non pas guérie ». Cependant, ayant été pen¬
dant plusieurs années chargé à la Salpêtrière du ser¬
vice des idiots, son esprit vraiment médical ne lui a
pas permis de passer outre à un essai de traitement.
Arrivé à ce point de sa thèse, il paraît vouloir s’ex¬
cuser comme d’une faiblesse de l’idée de ce traitement
pour la discussion duquel il débute ainsi ^ : « Quand
« on dit traiter, on ne dit pas guérir, car on peut
1 Bourneville, Bibl. d'éduc. spéciale, l. I", p. 83 .
— 4 o —
« traiter sans guérir ; mais si ton traite^ on désire
« toujours soulager Vhomme malade. C’est pourquoi
« je propose un traitement pour l'affection dont il
« s’agit, affection qui est, dit-on, nécessairement in-
« curable. » Et enfin il en arrive cependant à cette
constatation : « Chargé de la division des idiots, j’ai dû
« tâcher d’améliorer leur sort. Je crois qu’on peut le
« faire en les soumettant dès tenfance à une éduca-
« tion tout à la fois intellectuelle et médicale .»
Il avait vingt-quatre ans ; il faut lui savoir gré
d’avoir eu le courage de son opinion, et reconnaître
qu’il a bien droit de prendre place parmi les promo¬
teurs de l’éducation médico-pédagogique.
M. Belhomme fit réimprimer cette thèse en i 843 en
la faisant précéder d’un avant-propos dont le ton et
les revendications nous paraissent un écho de récri¬
minations plus vives et plus acerbes, qui, probable¬
ment, causèrent à cette époque une certaine émotion
dans le monde médical, mais dont aucun document
officiel n’est resté.
« Il y a dix-neuf ans, dit-il^, qu’étant à la Salpê-
« trière, je fus préoccupé de cette idée qu’il était pos-
« sible d’améliorer la position malheureuse des idiots
« et qu’une sorte d’éducation pouvait leur être donnée.
« Je commençais par les classer en catégories, et
« j’arrivais à cette conclusion que les idiots sont édu-
« cables suivant leur degré d’idiotie.
(( Aujourd’hui qu’on est parvenu à réaliser une par-
« lie de mes prévisions, il est utile de donner une
Bournevillc, Blhl. d'édiic. spécule, 1'''', p. 4^’-
— /li¬
ft certaine publicité aux théories que j’ai développées
ft lorsque ma position a favorisé mes recherches.
(( Les philanthropes qui m’ont @uivi paraissent igno-
« rer le point de départ de ces importantes améliora-
,(( tions. Il faut leur rappeler que c’est de la Salpêtrière
« et d’Esquirol que sont parties les premières étin-
« celles qui aujourd’hui ont allumé le flambeau qui les
ft éclaire.
« Plus tard, MM. Ferrus et Voisin se sont occupés
« de cette importante question de l’amélioration des
ft idiots, M. Ferrus a obtenu de l’Administration des
ft Hospices des réformes importantes. M. Voisin, avec
« ses idées d’orthophrénie, a fixé l’attention des
ft savants sur la méthode que l’on pourrait suivre dans
ft l’application des moyens de traitement et d’éduca-
« tion. Enfin, M. Seguin, élève d’IïARD, qui avait ob-
« servé le Sauvage de l’Aveyron, a fait des applica-
ft tions utiles à l’éducation des idiots; mais chose re-
« marquable, les auteurs modernes semblent ignorer
« mes recherchés, ils ont omis de me nommer comme
« si je pouvais porter ombrage à leur succès. A cha-
<( cun ses œuvres, et l’on verra par la lecture de ce
« travail auquel j’ai ajouté des notes, les résultats de
« mes observations et des leurs, que je sais rendre
« justice aux travaux de chacun, pourvu qu’on veuille
« bien apprécier les premiers efforts que j’ai faits.
« La thèse que j’ai soutenue en 1824 a été signalée
ft dans les journaux du temps, et Georget a bien
« voulu lui donner quelques louanges. De nos jours,
ft le dictionnaire de M. Fabre rapporte mes observa-
« tions ; il n’y a que ceux qui paraissent intéressés à
— 42 ~
« se placer les premiers dans ces découvertes qui sem-
« blent ignorer que j’en suis l’auteur. »
Nous avons donné in extenso cette introduction
parce que dans le ton des dernières lignes vibre l’écho
d’une corde dont la résonance sert d’accompagne¬
ment à toute l’œuvre de Seguin. Pas plus pour celui-ci
du reste que pour Belhomme , les travaux du D*' Itard
ne furent que des prolégomènes.
Mais le jeune médecin, absorbé par ses études à la
Salpêtrière, sous la direction d’un maître tel qu’EsQui-
ROL, pouvait ignorer en 1824 la valeur des recherches
en cours rue Saint-Jacques. Dans ces conditions son
idée de « traitement par une éducation intellectuelle et
médicale » lui permet de revendiquer une certaine
priorité et l’aigreur de sa réclamation se trouve de ce
fait atténuée ou tout au moins expliquée.
Dans cette réimpression, en i 843 , les notes qu’il a
ajoutées dans le cours de l’ouvrage prouvent du reste sa
bonne foi et son désir de la justice. Voilà en quels ter¬
mes il y parle de l’instituteur de Bicêtre.
« Voyons maintenant les services rendus par
« M. Seguin à la classe des idiots.
« Ici des faits et des résultats. M. Seguin n’est pas
« médecin, mais c’est un homme intelligent qui a
« étudié et compris ce qu’est un idiot: un être inat-
« tentif.
«.. • •
«.
« Dans une visite que j’ai faite à Bicêtre, dans ces
« ces derniers temps, j’ai vu des idiots manœuvrer
— 43 —
« devant moi suivant la méthode de M. Seguin et j’ai
« admiré ses procédés et quelques-uns de ses succès.
Toujours est-il que les
« philanthropes ne peuvent qu’encourager les soins at-
,« tentifs de M. Seguin et la bonne direction médicale
« de MM. Voisin etLEURET.»
Belhomme laisse à Seguin, seul, le mérite et le béné¬
fice de son succès, mais il persiste à ignorer les tra¬
vaux d’iTARD.
Les réclamations de M. Belhomme au sujet de la
priorité à laquelle il pensait avoir droit semblent
d’abord, trois ans après, avoir été prises en considéra¬
tion par Seguin, lors de la publication de son livre.
Mais, quelques lignes plus loin, la rancune de celui-ci
ne tarde pas à reprendre le dessus et à se donner car¬
rière.
Voici d’abord comment il parle de M. Belhomme,
page 24. — « Quand M. Belhomme demande pour son
« premier travail, qui date de 1824, une mention qui
« rappelle ses vœux et ses espérances en faveur des
« idiots, il ne fait que demeurer dans son droit; et
« si je les avais connus plus tôt que i 843 , je les eusse
« mentionnés comme ils méritent de l’être dans mes
« écrits antérieurs à cette époque.» . . . .
Puis dans la même page, sans nommer Belhomme,
faisant allusion au début de la discussion du traite¬
ment dans la thèse de celui-ci, il dit : « Il y a tout à
« faire, disaient les uns ; il n’y a rien à faire, disaient
« les autres ; on peut les rendre à la société, disait
« l’un ; on peut les soigner^ mais non les guérir^ ré-
(( pondait l’autre, sans s’apercevoir que ce mot, en le
« supposant vrai, serait l’acte d’accusation le plus ac-
« cablant pour le corps médical. Soigner sans guérir,
« sans chance de guérison ni d'amélioration, soigner
« pour.... je m’arrête, ce serait odieux.» — Géné¬
reux scrupules ! Il n’y avait qu’à citer la phrase en¬
tière : « Mais si l’on traite, on désire toujours soulager
« l’homme malade. » Et tout le monde aurait com¬
pris et approuvé.
Cet acte de bonne foi n’aurait pas permis à Seguin,
page 460, de nommer Belhomme, après avoir fait
les réflexions ci-après ; « Tous les jours je vois de
« pauvres idiots de huit, dix, douze, quinze ans
« auxquels elle (la médecine) met un cautère tous les
« printemps; d'autres auxquels elle met mensuelle-
« ment des sangsues, les laissant (?) dévorer la
« nourriture de deux hommes, et elle fait bien : l’excès
« de nourriture nourrit les sangsues, et.les sangsues
« engraissent le docteur. Je ne mentionne que pour
« mémoire les poudres, les élixirs, les sternutatoires,
« les bains de mer ; je salue en passant l’inévitable
« somnambule et je dis : 1° que tous ces remèdes sont,
« selon la malheureuse expression de M. Belhomme,
« des moyens de traiter les idiots, mais non de
a guérir. »
Il est vrai que Seguin aurait ainsi perdu la satisfac¬
tion de préciser la responsabilité du jeune médecin,
telle qu’il tient à la faire ressortir par la citation
tronquée, et renouvelée, de la page 24 ; en revanche
son œuvre aurait eu Tavantage de compter une phrase
amphigourique de moins.
Docteur Félix VOISIN
Analyse psychologique de l’entendement humain
chez les idiots.
Examen de leun état instinctif, moral, intellectuel et perceptif.
Nom et âge du sujets.
Son tempérament, ses habitudes extérieures ?
Appréciation de la vie organique?
Faculté de conservation et de reproduction.
Penchant»».
Besoin instinctif d'alimentation :
L’enfant a-t-il un appétit vorace? Mange-t-il
comme tout le monde ou dévore-t il ses aliments
comme un animal? Mange-t-il ses ongles, du bois,
de la terre, des ordures, etc., etc.
Erotisme :
L’enfant présente-t-il des dispositions à l’éro¬
tisme ? Les manifestations qu’on observe tiennent-
elles à des habitudes vicieuses qu’il aurait con¬
tractées dès l’enfance?
Attachement, amitié :
L’enfant a-t-il un caractère affectueux? A-t-il, au
contraire, des tendances à vivre solitaire?
Puissance, réaction, courage :
Quelles sont les dispositions de l’enfant à cêt
égard? Est-il querelleur, hargneux, difficile à
vivre? Est-il, au contraire, pacifique, timide ou
peureux?
- 46 -
Instinct à détruire :
L’enfant est-il violent? A-t-il des dispositions à
casser, briser, déchirer, brûler les objets? Se mon¬
tre-t-il cruel avec ses camarades? Le voit-on tour¬
menter les animaux? Se montre-t-il sous des dehors
tout à fait différents?
Instinct de ruse :
L’enfant est-il hypocrite, menteur? A-t-il de
l’argutie? Cherche-t-il le subterfuge? Est-il, au
contraire, trop simple, trop candide, trop franc?
Désir d'avoir, convoitise, égoïsme ;
L’enfant a-t-il des dispositions au vol, et même
à s’emparer aveuglément de tout ce qui peut lui
tomber sous la main? Fait-il des collections? Ou
bien ne se montre-t-il que trop désintéressé en
toutes choses?
Dextérité, habileté manuelle, disposition à construire, tailler,
modeler :
L’enfant a-t-il des dispositions pour les arts
mécaniques? Est-il habile, adroit et prompt dans
ses évolutions, ou n’est-on pas, à chaque instant,
témoin de sa maladresse?
Sentiments nioi*aux.
Estime de soi, orgueil :
L’enfant a-t-il bonne opinion de lui-même?
a-t-il l’amour de la domination, le désir de la puis¬
sance? se fait-il remarquer par de la présomption,
de Finsolence, du mépris? (Il n’est pas besoin de
dire qu’il faut ici, comme ailleurs, savoir s’il ne
présente pas le contre-pied de ces dispositions.)
Vanité, désir de plaire :
L’enfant aime-t-il les flatteries, les compliments?
— .47 —
Recherche-t-il la parure et à, se faire remarquer,
même par de mauvais moyens? Est-il, au contraire,
tout à fait insensible à l’approbation de ses sem¬
blables?
Prudence, circonspection :
L’enfant a-t-il de l’incertitude, de l’inquiétude et
de l’irrésolution dans la tête?N’a-t-il pas une teinte
de mélancolie dans son caractère ou bien agit-il
dans toutes circonstances comme un étourdi?
Bonté, charité, bienveillance :
L’enfant se fait-il remarquer par sa douceur ou
sa méchanceté? Le voit-on s’attendrir avec facilité?
montre-t-il de la compassion, est-il généreux,
expansif, etc.?
Volonté, persévérance, fermeté :
L’enfant montre-t-il, dans sa conduite habituelle,
de l’opiniâtreté, de l’obstination, de l'entêtement ?
A-t il l’esprit séditieux? A-t-il, au contraire,
le caractère inconstant, changeant, variable,
incertain?
Sentiments de respect et de vénération :
L’enfant a-t-il en lui le sentiment de vénération?
Est-il religieux? Est-il respectueux envers ses
parents ou ses professeurs?Montre-t-il, en un mot,
de la vénération pour toutes les supériorités réelles
ou n’a-t-il de culte que pour lui ?
Sentiment du juste et de l'injuste, conscience, justice :
L’enfant désire-t-il et cherche-t-il la vérité? Se
révolte-t-il contre l’iniquité? S’exagère-t-il ses
torts? La conscience, au contraire, est-elle muette
dans sa constitution? néglige-t-il ses devoirs?
^ 48 .-
Sentiments d’espérance :
L’enfant a-t-il l’esprit aventureux? Forme-t-il
incessamment des projets chimériqees? Voit-il
tout en beau? Vit-il, au contraire, dans le découra¬
gement et sans foi dans l’avenir?
Sentiment du merveilleux :
L’enfant a-t-il de la disposition à saisir en toute
chose le côté merveilleux, étonnant, miraculeux
et surnaturel ? Ce séntiment laisse-t-il, au contraire,
par sa faiblesse et son inactivité ce même enfant
exclusivement et grossièrement absorbé dans les
phénomènes du concret et du mondé matériel?
Imagination, idéalité, sentiment poétique :
L’enfant se fait-il remarquer par de la vivacité,
de l’enthousiasme? Ou voit-il froidement, triste¬
ment et sans prisme tous les objets extérieurs?
Esprit de saillie, gaîté :
L’enfant a-t-il une humeur gaie? A-t-il de la
tendance à saisir le côté plaisant des choses? Cher¬
che-t-il à faire rire? Est-il railleur, ironique ? A-t-il,
au contraire, le caractère sérieux?
Sentiments d'imitation :
L’enfant a-t-il de l’inclination à imiter ce qu’il
voit faire autour de lui? N’a-t-il aucune tendance,
au contraire, à répéter les actes dont il est le témoin
à s’harmoniser par cela même avec ses semblables?
Sens extérieurs.
Vue :
Y a-t-il du strabisme ? Y a-t-il rotation spasmo¬
dique du globe oculaire dans l’orbite? L’enfant est-
il affecté de myopie, de presbytie? La cécité ferme
le monde à l’idiot et le rend incurable.
Goût :
Le goût est-il dépravé? Montre-t-il des préfé¬
rences pour les saveurs fortes ou douces, aigres ou
sucrées, suaves ou nauséabondes?
Toucher :
Notion du froid et du chaud, du sec et de
l’humide, du doux et du rude, etc.? On connaît
l’importance de ce sensvérificateur pour la connais¬
sance des objets extérieurs?
Audition :
Le sens de l’ouïe mérite particulièrement de fixer
l’attention. C’est le sens qui peut remuer le plus
profondément l’âme humaine ; s’il y a surdité,
l’idiotie n’offre pas la moindre espéz’ance d’amé¬
lioration.
L’activité dont ce sens jouit chez les sauvages prouve tout le
parti qu’on en pourrait tirer dans l’éducation des idiots.
Education des sens.
Je me propose d’entrer, à ce sujet, dans quelques détails avec
notre instituteur L On ne saurait croire combien il y a à faire
sous ce rapport dans notre éducation publique et particulière.
Dans les jeux de la première enfance on trouverait, en les orga¬
nisant, ■ bien des ressources précieuses. Les philanthropes du
XVIII® siècle avaient déjà fixé l’attention sur ce point, mais il faut
y revenir aujourd’hui.
Mouvements volontaires :
Station.
Marche.
Course.
Saut.
Jet.
Edouard Seguin.
— 5o —
Mouvements involontaires :
L’enfant se balance-t-il d’un côté à l’autre ou
d’avant en arrière? Est-il affecté de la danse de
Saint-Guy (chorée) ou de quelque autre tic ou
mouvement nerveux?
Conformation des organes de la parole :
Parle-t-il? Quels sont les vices de la voix ou de
la parole ?
Sommeil ;
Le sommeil est-il profond et réparateur. Est-il
léger? l’enfant se réveille-t-il en sursaut, a-t-il
souvent des rêves ou des cauchemars ?
Facultés de perception.
Aptitudes k l'éducation :
L’enfant prend-il aisément connaissance des
objets extérieurs et de leur existence individuelle?
Connaît-il ses lettres? Sait-il épeler? Sait-il lire?
Sait-il écrire ?
Faculté du dessin :
L’enfant présente-t-il quelques dispositions sous
ce point de vue? Saisit-il bien la forme des objets?
Faculté d'étendue :
L’enfant présente-t-il, sous ce rapport, quelques-
unes des dispositions saillantes que l’on remarque
chez les géomètres, les architectes et les entre¬
preneurs?
Faculté du coloris :
L’enfant aperçoit-il les rapports des couleurs
entre elles ? Est-il sensible à leur harmonie et à
leur inharmonie?
Localité :
— 5î —
L enfant aime-t-il à se déplacer, à changer de
localité? Garde-t-il la mémoire des lieux qu’il a
visités ?
Calcul :
Quels sont, sous ce rapport, les aptitudes de
l’enfant?
Ordre :
L’enfant se fait-il remarquer par la force ou par
la faiblesse de cette faculté?
Mémoire des faits :
Examiner quelle est son activité chez l’enfant.
Musique :
Quelles sont ses dispositions ?
Langage et mémoire des mots :
Etudier également, à ce sujet, les perfections ou
les imperfections de la nature.
Facultés intellectuelles.
Ces facultés se composent de la comparaison et de la causalité ;
elles sont ordinairement faibles chez les idiots ; tout le succès de
l’éducation qu’on peut donner à ces malheureux dépend parti¬
culièrement du développement que l’on fait acquérir à ces deux
attributs supérieurs de l’âme humaine.
Pour prendre le langage habituel de l’école, ce serait ici le
lieu de multiplier les questions relatives au degré d’attention
dont chaque enfant est susceptible, savoir, par exemple, s’il lui
est possible d’embrasser plusieurs objets à la fois, et s’il peut
surtout s’élever jusqu’à la notion des phénomènes qui sont
abstraits et concrets, etc., etc.
On croit devoir retrancher tous ces détails du cadre général
dans l’intention où l’on est de les consigner avec le plus grand
soin dans la biographie de chacun des idiots.
Etiologie.
Y a-t-il des transmissions héréditaires? L’enfant a-t-il eu des
convulsions dans les premiers temps de sa vie? A-t-il eu à cette
même époque de l’existence des inflammations du cerveau et de
ses membranes? N’aurait-il point fait de chute? Ne serait-il pas
possible qu’il ait été conçu dans l’ivresse ou dans l’orgie? Les
-habitudes de la masturbation ne l’auraient-elles point énervé, et
n’auraient-elles point porté une atteinte profonde et radicale aux
pouvoirs les plus élevés de sa constitution?
On croit devoir donner, pour compléter les observations sur
l’idiotie, la mesure des principaux diamètres des têtes des mal¬
heureux enfants, et indiquer également les configurations étran¬
ges ou extraordinaires qu’elles pourront présenter.
Edouard SEGUIN
Cadre monographique de l’idiotie.
§ 1
Age ■
Sexe
Tempérament
Santé
Maladies, infirmités accessoires
Configuration détaillée du crâne
Rapport proportionnel du crâne et de la face
Inégalité des deux côtés du crâne et de la face
Cheveux, peau
Rapport proportionnel du tronc et des membres
Inégalités des deux côtés du tronc et des membres
— 53 —
Habitude générale du corps
Habitude de la tête
Habitude du tronc
Habitude des membi'es inférieurs
Habitude des membres supérieurs
Habitude du poignet, de la main, des doigts
Configuration des organes de la parole et ses rapports possi¬
bles avec le développement des organes de la génération,
dentition
Configuration thoracique
Etat de la colonne vertébrale
Etat de l’abdomen
§ 11
De l’activité générale et applicable.
Etat apparent du système nerveux.
De rirritabilité générale du système nerveux.
De l’irritabilité spéciale de certains appareils nerveux.
Des pleurs, des cris, chants, bourdonnements, etc.
Du changement que certains irritants comme le froid, la cha¬
leur, l’électricité, les odeurs, etc., impriment à l’irritabilité
générale ou spéciale.
Etat probable du cerveau.
Etat probable de la moelle épinière.
Etat probable des nerfs organiques.
Etat probable des nerfs sensitifs.
Etat probable des nerfs moteurs.
Différence d’action entre les nerfs sensitifs et les nerfs moteurs.
Inégalité d’action des nerfs moteurs et sensitifs des deux côtés
du corps.
Des appareils musculaires, des rétractions musculaires, et de
Fétat des sphincters en particulier.
Des mouvements musculaires.
Des mouvements volontaires.
Des mouvements automatiques qui dépendent de l’état du
grand sympathique.
I. s.-y.
^ 54 -
Des mouvements automatiques qui dépendent de l’état des
organes centraux.
Des mouvements spasmodiques, du balancement.
Des mouvements coordonnés, ou désordonnés.
Des flexions articulaires volontaires.
De la locomotion.
De la station couché, assis, debout.
De la marche, de'monter, de descendre.
De la course.
Du saut.
De la préhension des corps.
Du jet des corps.
De la réception des corps ;
Du lancement des corps.
De s’habiller, manger seul, etc.
Du tact.
Du goût.
De l’odorat.
Du regard.
De l’audition.
De l’érectibilité.
De la voix, des voix anormales.
De la parole.
Des fonctions assimilatrices.
Des appétits désordonnés.
De la préhension des aliments.
De la mastication.
De la déglutition.
De la digestion.
Des déjections alvines et urinaires, volontaires ou involon-
taires; des excrétions, salive, mucus nasal, larmes, humeur
sébacée, sueurs, transpiration.
Du pouls.
De la respiration.
Du sommeil.
§ m. — Etat psychologique.
De l’attention.
De la perception sensorielle.
De la perception intellectuelle.
De la comparaison.
Du jugement.
De la réflexion.
De la déduction.
De la combinaison.
De l’invention.
Et jusqu’à quel point ces opérations intellectuelles, quand
elles existent, s’appliquent-elles aux phénomènes concrets,
mixtes, c’est-à-dire, concrets et abstraits, ou purement
abstraits, et aux idées de l’ordre moral?
Les notions des propriétés physiques des corps, comme la.
couleur, la forme, la dimension, l’agencement des parties
pour former un tout, sont-elles perçues?
Les idées générales de temps, d’espace, de mesures conven¬
tionnelles, de valeur relative intrinsèque ou arbitraire, sont-
elles comprises et sont-elles appliquées à la vie réelle?
Les connaissances vulgaires, telles que lettres, lecture, écri¬
ture, dessin, calcul, ont-elles ou non été données au sujet,
et peuvent-elles l’être dans son état présent?
L’aptitude à la musique et au calcul, le goût du chant, ou le
besoin irrésistible de chanter, se sont-ils naturellement
produits?
Des mémoires diverses.
De la prévision, de la prévoyance.
§ IV. — Etat instinctif et moral.
De l’instinct de conservation personnelle. ’
Des instincts, d’ordre, de rangement, de conservation ou de
destruction des choses.
De l’agressivité, de la cruauté.
De l’instinct d’assimilation, de possession.
L’enfant est-il obéissant ou révolté, respectueux ou moqueur,
affectueux ou antipathique, câlin ou caressant, reconnais¬
sant, jaloux, gai ou triste, orgueilleux, vaniteux ou indiffé¬
rent, courageux ou peureux, timide ou osé^ circonspect ou
étourdi, crédule ou défiant, joueur et imitateur?
L’enfant a-t il le sentiment du bien et du mal abstraits, ou
seulement par rapport à un petit nombre d’actes qui lui
sont relatifs ?
L’enfant est-il spontané? a-t-il la volonté active? cette volonté
qui est la cause initiale de tous les actes humains ayant un ■
effet intellectuel ou social.
L’enfant a-t-il seulement la volonté négative, qui est toute
entière au service des instincts, et proteste avec une suprême
énergie contre toute volonté étrangère, tendant à faire péné¬
trer l’idiot dans l’ordre des phénomènes sociaux ou abstraits?
Enfin, jusqu’à quel point, l’idiot est-il idiot, solitarias, seul,
en d’autres termes, sous quel rapport et dans quelle limite
l’idiot a-t-il franchi la liniite de son moi, pour entrer en
communication physique, instinctive, intellectuelle et mo¬
rale avec les phénomènes qui l’entourent?
§ V. — Etiologie.
Origines du père et de la mère.
Leurs constitutions.
Maladies héréditaires.
Pays où le sujet a été conçu, porté, enfanté, allaité.
Causes possibles de l’idiotie.
Circonstances notables de la conception.
Circonstances notables de la gestation.
Circonstances notables de la parturition.
Circonstances notables de l’allaitement.
Maladies graves de l’enfant pendant le premier âge.
Infirmités et maladies du premier âge, ou antérieures à l’idiotie.
Croissance, décroissance, ou permanence de l’état de l’enfant
depuis sa naissance jusqu’au moment de l’observation.
— 57 —
Les deux études sont l’une et l’autre hors de
proportion avec l’objet « l’idiot ».
Dans un ouvrage didactique^ ils devraient cependant
être soumis au jugement de l’étudiant, parce qu’ils
ont chacun leur enseignement particulier.
Le plan du D’’ Voisin pèche par excès d’analyse
psychologique ; il rappelle la préoccupation du début de
sa carrière, d’atteindre par l’éducation tous les
« mal-nés » — « formant communément la pépinière
« des aliénés, des grands hommes, des grands scélérats
« et des infracteurs vulgaires de nos lois^ pour
lesquels il réclame des asiles-écoles.
Déplus, aliéniste de profession, M. Voisin, par le
ton général de son analyse, conserve à l’idiot la place
que la coutume lui assigne dans les services d’aliénés,
coutume si difficile à faire disparaître dans le pays
d’iTARD et de Bourneville, contre laquelle Seguin ne
cesse de protester.
Le cadre monographique de celui-ci possède sur
l’analyse psychologique du D’’ Voisin une supériorité
incontestable au sujet particulier de l’idiotie; suivant
ce que dit Belhomme, il est facile de constater « que
« M. Seguin est un homme intelligent, qui a étudié et
« compris ce qu’est un idiot® ».
L’initiation médicale a mis à l’ensemble de son travail
un cachet indélébile ; les facultés d’intelligence, d’ob¬
servation, de méthode et de précision particulières à
Seguin ont fait le reste, et affirment son autorité en la
matière.
* Bourneville, Mémoires sur l’idiotie, p. aSi.
^ Bourneville, Mémoires sur l'idiotie, p. 85.
— 58 —
CHAPITRE III
ÉDOUARD SEGUIN (1812-1880)
■ Edouard Seguin est né en 1812 à Clamecy, dans le
département de la Nièvre. Son père était médecin, et
ses ancêtres, pendant plusieurs générations, s’élàient
distingués comme tels dans le Nivernais.
Il est mort à New-York, en octobre 1880, citoyen
américain.
Son nom et sa méthode étaient déjà connus en
Amérique à son arrivée dans ce pays; ils ne furent
rappelés au souvenir de ses compatriotes d’origine
que par les travaux du D" Bourneville, parce que,
dans l’organisation des services de Bicêtre pour les
enfants idiots et épileptiques, ce médecin appliqua les
théories et la méthode d’iTARD, perfectionnéès par
Seguin, qu’il fait pratiquement toujours bénéficier
du succès de l’éducation médico-pédagogique. En
France, les noms de Seguin et de Bourneville sont
donc à ce sujet désormais liés, comme l’action l’est à la
pensée.
Seguin fit ses études au collège d’Auxerre, et les
termina au lycée Saint-Louis, à Paris.
A quoi se destinait Seguin au sortir du lycée?
Gomment devint-il le disciple d’IrARU?
— 59 —
Aucun renseignement ne nous permet de répondre
de façon précise. Nous est-il permis de supposer que
ce fils de médecin, recommandé au D’’ Itabd, trouva
pour son intelligence et ses efforts, sous l’influence et
les conseils du célèbre médecin des sourds-muets, la
direction maîtresse qui fit de lui un instituteur de génie.
Mais il est peu probable que Seguin ait connu le
Sauvage de l’Aveyron, puisqu’il n’avait que seize ans
quand celui-ci mourut en 1828. Il ne semble pas non
plus qu’il fut à Paris dans le dessein d’étudier la
médecine ; car il ne prit sa première, et, semble-t-il,
son unique inscription à la Faculté, que le 20 février
1843^
Voici comment Seguin reconnaît avoir reçu l’ensei¬
gnement et les encouragements d’IiAim, dans l’Avant-
Propos de son principal ouvrage, publié en 1846, dans
lequel se trouve colligé tout ce qu’il avait écrit précé¬
demment, soit seul, soit en collaboration, sur le
« Traitement moral, hygiène et éducation des idiots et
« des autres enfants arriérés, retardés dans leur déve-
« loppement, agités de mouveitients involontaires,
« débiles, muets non-sourds, bègues, etc. ».
« ^ Je n’hésite pas à avouer que je ne suis ni le
« seul, ni le premier qui me suis occupé de la question
« ...
«.Il ne m’eût pas été difficile
« d’en taire les antécédents scientifiques et de me
‘ Note due à la complaisance du Brouardel ; Bourneville, préf.
du III* vol dé la Bibl. d'éduc. spéciale.
® Avant-Propos, p. 2 , vol. Ill bis de la Bibl, d’éduc. spéciale « Trai-
ment moral, etc. ».
— 6o —
« mettre au premier rang ; mais cela ne convenait ni
« à ma conscience, ni à la reconnaissance que je pro-
« fesse pour Itard, mon illustre maître, le premier
« qui ait traité méthodiquement un idiot ; il me l’eût
« été moins encore de faire endosser, comme un billet
« de complaisance, mes travaux théoriques et pra-
« tiques, par un de ces banquiers de la médecine
« officielle, qui escomptent leur signature à gros
« intérêts ; je n’ai point voulu pactiser avec ses
« habiles de la science..
«
« . . Les travaux d’IrARD remontent à i8oi. Quand
« ce savant me connut, il daigna me dire que je con-
« tinuerais dignement son œuvre .......
« ..
« . . . Ma méthode nest pas la méthode d'Itardj
« il s'en faut du tout aa tout ........
« . . . . . ce n’est pas une raison pour lui ôter
« la part d’estime et d’admiration qui lui revient dans
« l’œuvre qu’il a su ME préparer et m’inspirer. Trop
« de gens aujourd’hui, embusqués dans des positions
« élevées, ne tiennent pas à honneur de me distinguer
« d’eux, par une loyauté sans laquelle le talent est bien
« peu de chose et l’habileté rien. »
Ces lignes, dont les dernières n’ont aucun sens,
donnent une impression d’orgueilleuse amertume, qui
se retrouve dans tous les écrits de Seguin. Elles méritent
d’attirer notre attention pour nous rappeler des paroles
que le Bousquet prononça en séance de l’Aca-
— 6i —
démiè royale de Médecine, un an après la mort
d’IxARD, et que nous avons citées précédemment :
— « Les dates sont importantes à noter pour con-
« server au D’’ Itard une gloire qu’on a voulu lui
ravir. »
C’est en i 838 , l’année même de la mort d’iTARD,
que fut publiée une plaquette de i4 pages, signée :
Esquirol et Seguin. Celui-ci, toujours dans son prin¬
cipal ouvrage, page 21, nous renseigne ainsi lui-
même à ce sujet : « Quand Esquirol dit : L’idiotie
« n’est pas une maladie, etc., etc... c’est qu’il n’était
« pas en mesure de dire ; L’idiotie est... telle chose,
« croyez-le bien. Pour moi qui ai eu l’honneur de
« traiter un idiot sous sa direction, je puis restituer à
« cette phrase, qui n’est qu’habile, son véritable
« caractère. En effet M. Esquirol me disait souvent
’ « qu’il ne s’était jamais occupé des idiots ; et, que s’il
« avait consenti à diriger mon travail, c’était pour
« ajouter auprès des parents de mon élève, l’autorité
« de son nom, à mon expérience un peu jeune d’as-
« pect alors. »
A cette époque en effet (i 838 ). Seguin n’avait que
vingt-six ans. Itard venait de mourir, ayant depuis
peu de temps cessé de s’occuper des études pour¬
suivies systématiquement pendant toute sa vie. Les
recherches et les résultats qu’il avait obtenus sont
consignés d’abord dans les Mémoires sur Véduccition
du Sauvage, de 1806 et de 1807, qui forment comme
le premier chapitre de l’œuvre de toute sa vie, les
derniers étant représentés par le Mémoire sur le
mutisme produit par la lésion des fonctions intellec-
tuelles, et par les trois Mémoires disparus sur VEdu-
ducation du sens auditif chez les sourds-muets.
Qu’est-ce que la lésion des fonctions intellectuelles.,
sinon Vidiotie, et à quelle source Seguin, à vingt-six
ans, avait-il puisé une expérience lui permettant en
dix-huit mois de mériter le certificat ci-dessous?
Nous soussignés, nous plaisons à reconnaître que M. Edouard
Seguin, né à Clamecy, a commencé avec le plus grand succès
l’éducation d’un enfant presque muet et semblable à un idiot à
causé du peu de développement de ses facultés intellectuelles et
morales. En dix-huit mois, M. Seguin abppris à son élève à se
servir de ses sens, à se souvenir, à comparer, à parler, à écrire,
à compter, etc.
Cette éducation a été faîte par M. Seguin, d’après la méthode
de feu le Itard, dont il avait reçu les inspirations. Par le
caractère de son esprit, par l’étendue de ses connaissances,
M Seguin est capable de donner à ce système d’éducation toute ■
l’extension désirable.
Paris, ce 18 août 1889.
Signé, Esquirol et Guersant père.
Le mérite de Seguin comme instituteur ne saurait
être mis en doute, et logiquement, nous admettons
que sa technique d’enseignement alla toujours en pro¬
gressant. Mais comment ose-t-il écrire, moins de dix
ans après la mort de son illustre maître : « Ma mé-
« thode n’est pas la méthode d’iTARD, il s’en faut du
« tout au tout », quand, au lendemain des funérailles,
il obtenait d’EsQuiROL le certificat cité plus haut, pour
un travail entrepris six mois avant la mort du médecin
des sourds-muets?
— 63 —
« En i 838 , dit le Wahl un instituteur alors
« inconnu, Seguin, qu’lTARU et Esqüibol avaient
« chargé de l’éducation d’un jeune idiot, publia un
« opuscule intitulé : Résumé de ce que nous avons
((. fait pendant quatorze mois, par Esquirol et Seguin.
n Cette œuvre est la première que le distingué édu-
« cateurfît paraître sur la pédagogie des idiots. Esprit
« très ouvert, mais très orgueilleux, jaloux de son
« indépendance, Seguin avait déjà dans ce premier
« travail, négligé de citer Itard, comme plus tard, il
« oublia son maître Esquirol.
« Pédagogue de premier ordre, mais ignorant la phi-
« losophie. Seguin est supérieur ’ comme praticien,
« mais il est d’une faiblesse désespérante dans la dis-
(( cussion. Après avoir publié, en 1841, un Traité
« théorique et pratique de l'éducation des idiots, il
« fut chargé en, 1842, de la direction spéciale à l’hos-
(( pice de Bicêtre. Son caractère le fit détester de tous
« dans la maison, et, dès i 843 , il quittait l’Administra-
« tion et fondait, rue Pigalle, un établissement privé
« pour l’éducation des arriérés. En 1846, il fit paraître
« son ouvrage le plus important intitulé : Traitement
i< moral, hygiène, etc., etc. En i 85 o. Seguin qui
« n’avait eu que des déboires en France, passa en
« Amérique où il perfectionna sa méthode. »
Comme nous l’avons déjà dit, tout ce que Seguin
avait écrit et publié antérieurement est intégralement
contenu dans le livre cité par le D’’ Wahl, et qui fut
réédité par M. Bourneville, en 1906.
i France médicale, avril igiS: les Débuts de l’assistance aux en¬
fants anormaux, Dr Wahl, médecin-chef des Asiles.
- 64 -
Ce fils de médecin, dont l’initiation pédagogique a
été d’inspiration médicale, se montre, dès les premières
pages de son livre, uniquement préoccupé de s’appro¬
prier les résultats du travail de celui qui fut son,
maître. En outre, aucune personnalité médicale n’y
est épargnée, et il n’a que des paroles malveillantes
pour ceux qui, vis-à-vis de ses élèves, par la nature
de leurs études et les devoirs de leur corporation
étaient ses chefs, ses émules et ses collègues ; les
médecins.
L’ouvrage se compose d’un Avant-Propos et de cinq
parties, dont l’ensemble, d’un pédantisme fatigant, est
de lecture difficile.
La première partie est une discussion pseudo-scien¬
tifique n’offrant pas un grand intérêt (i6i pages).
La seconde partie traite de l’hygiène [sans rien pré¬
senter d’original au point de vue de l’idiotie, qui, en
somme, relève de l’hygiène générale (167 pages).
Enfin, dans la troisième partie^ Seguin aborde le
sujet de l’éducation, et, quoique toujours diffus, devient
intéressant (i 53 pages).
« J’affirme dit-il dès le début, que le nombre des
« idiots incapables de profiler de ma méthode est infi-
« niment petit, et que je n’en ai pas trouvé plus de
« 2 pour 100, avec lesquels les moyens d’action qui
« ont été mis à ma disposition n’aient pas eu des
« résultats plus ou moins satisfaisants. »
Il s’agit bien entendu, dans la pensée de Seguin, des
idiots vrais ; c’est-à-dire des individus atteints congé¬
nitalement, de ceux ne devant pas présenter de lésion
type, de ceux constituant en général les échelons les
— 65 —
plus bas dans 1 anomalie intellectuelle ; « des déficients
atrophiques » de Raoul Dupüy.
G est pour eux surtout, et pour les autres déficients
par surcroît, que Seguin établit systématiquement
l’ordre dans lequel il faut procéder pour faire l’éduca¬
tion d’un idiot.
Après avoir passé en revue tout ce qui intéresse
l’éducation des muscles et des sens, il démontre que
le dessin est le point de départ de l’instruction pour
conduire simultanément à l’écriture et à la lecture.
Gomme il s’agit en réalité du maniement de lignes
droites, au lieu de dessin, nous pensons qu’il vaut
mieux actuellement dire géométrie, ce qui a l’avan¬
tage de ramener à la classification d’Aug. Gomte le
début rationel de l’instruction.
A ce propos. Seguin raconte, page 819, une anecdote
indiquant comment il procéda, sous la direction du
D"' Itard, pour rechercher et élaborer les moyens péda¬
gogiques susceptibles de donner les meilleurs et les
plus prompts résultats. — « Arrivés à ce point de la
« question, nous avons été arrêtés bien longtemps,
« M. Itard et moi. Les lignes étant connues, il s’agis-
« sait de faire tracer à l’enfant des figures régulières,
« en commençant bien entendu par la plus simple,
« M. Itard m’avait conseillé de commencer par le
« carré; et j’ai suivi ce conseil pendant trois mois sans
« réussir à me faire comprendre.
V .quatre heures par jour furent en
« vain consumées à cet exercice, et, s’il n’a pas
« été complètement infructueux, c’est qu’il m’a forcé
« d’étudier l’importante question de la génération des
— 66 —
« des lignes. . . . ... . . . . . ...
« . . . .11 résulte de cette expérience que le
« triangle est une figure plus simple et plus facile à
« exécuter pour un idiot que le carré..
« Il y a plus de chance pour que trois lignes réunies
« par hasard forment un triangle en se touchant par
« toutes leurs extrémités, que quatre pour former un
« carré, parce que celles-ci, même quand elles sont
« égales entre elles, peuvent se rejoindre en un grand
« nombre de directions différentes avant de former un
« carré parfait. »
Le caractère d’observateur consciencieux du
D" Itard devait se retrouver, sans nul doute, dans les
expériences entreprises d’après ses conseils sous forme
de surveillance active ; ici, le moi de M. Seguin paraît
envahissant, après le nous de l’association du début.
Notre travail ne comporte pas l’analyse détaillée de
ce système, dont la valeur est vérifiée à l’heure actuelle
par une expérience, non seulement mondiale, mais
encore séculaire, puisque nous en revendiquons l’ori¬
gine médicale comme étant l’œuvre du D'‘ Itard. Nous
ferons seulement remarquer que la gymnastique, pré¬
conisée ensuite par Ferrus, est à la base du système
soüs la dénomination à'Education musculaire. En
efPet, ne fallüt-il pas apprendre au Sauvage de l’Avey¬
ron à rythmer ses mouvements, à se servir de ses
mains, non seulement pour se vêtir, mais encore pour
écrire et éveiller les sensations tactiles; même ne
fallut-il pas faire l’éducation de chacun de ses sens. De
plus, quand Itard mourut/SEGum pouvait, en dix-huit
mois « apprendre à un idiot à se servir de ses sens, à
— 67 —
« se souvenir, à comparer, à parler, à écrire, à
« compter, etc., etc. »
Dans la quatrième partie. Seguin a réuni une série
d’observations intéressantes, mais trop exclusivement
personnelles pour avoir une autorité scientifique.
Enfin, sous la rubrique Traitement moral^ Seguin
termine son travail de cinq cent seize pages en para¬
chevant la question éducative au point de vue autorité
et discipline, question d’ordre général comme celle
concernant l’hygiène; nous ne nous y arrêterons pas.
Appréciant Seguin et son œuvre, le Thulié dit :
« Edouard Seguin est l’homme qui, par sa ténacité,
« fit entrer dans les habitudes .sociales et triompher
« la pédagogie pathologique dont Itard et Voisin
« étaient les réels inventeurs ^ Ecœuré par ses dé-
« boires à Paris, il s’expatria pour devenir citoyen
« américain ; il était, certes, plus connu dans le Nou-
« veau-Monde que dans sa propre patrie^. »
Surtout, il y était seul connu, et fut reçu, à sa grande
satisfaction, par les Docteurs des Etats-Unis, comme
étant de leur corporation.
Ace titre, il fut chargé, à l’occasion de l’Exposition
Internationale de Vienne en 1877, de faire un rapport
sur la Section de l’Enseignement. Il écrivit alors un
ouvrage très supérieur à celui que nous venons d’ana¬
lyser sommairement. Ce livre, qui a pour titre Rapport
et Mémoires sur l'Education des Enfants normaux et
anormaux J est écrit en anglais, son fils, le D^ G. Seguin,
1 Thulié, Dressage des jeunes dégénérés, p. 22.
2 Thulié, Dressage des jeunes dégénérés, p. 24.
— 68 —
faisant fonction de secrétaire. Il fut traduit pour la
Bibliothèque d’Education spéciale fondée par le
D’' Bourneville. Seguin y donne toute la mesure de
son esprit d’observateur, de critique et de pédagogue.
Il était alors dans la plénitude de son expérience, et
malgré les années écoulées, cette œuvre, vraiment
personnelle, garde un intérêt de documentation pré¬
cieuse au point de vue scolaire. Nous regrettons seule¬
ment, dans les critiques adressées aux institutions
françaises, une absence de courtoisie, qu’un véritable
étranger à la France y aurait mise sans doute par
simple politesse. En revanche, il y donne la mesure de
toute sa suffisance^, et, au sujet de la Fondation Vallée,
de son dépit et de sa mauvaise foi.
Sa vie se termina en pleine activité en faveur des
malheureux idiots, auxquels il avait consacré tout ce
qu’il avait de meilleur en lui-même comme cœur et
comme intelligence.
Deux mémoires ; l’un sur l’observation d’une iliai/i
idiote; l’autre sur celle d’un Œil idiot, méritent toute
l’attention des médecins désireux de s’occuper d’édu¬
cation spéciale.
Le second de ces mémoires fut publié quelques mois
après sa mort. Il est solidaire du premier qui débute
ainsi : « Quelques idiots sont atteints dans leur intel-
« ligence.. . d’autres sont plus
« spécialement affectés dans leurs sens, y compris le
« sens tactile et musculaire, à un point qui peut
- Seguin, Rapports et Mémoires sur l’Education des enfants nor¬
maux et anormaux, Bibl. d'éduc. spéciale, t. III, de la p. i 43 à 148.
- 6 g -
« simuler la paralysie et l’anesthésie, et même y cofi-
« duire par aceoutumance d’immobilité et de non-
« nutrition.
c(.La main de R... est petite, comme
« fondant sous la plus légère pression. . . . pas
« de pouvoir ni d’adresse manuelle, seulement un
« automatisme ayant son centre et levier au poignet.
« • . . . . . . . . . .11 était impossible
« de taire exécuter à cette main aucun mouvement
« commandé . . . . . . La rotation du poi-
« gnet, si agite dans les impulsions automatiques, était
« impossible si le malade voulait agir intentionnelle-
« ment; il pouvait obéir aux grands mouvements
« d’élévation et d’abduction, mais pas toujours, et
« jamais avec précision.
« C’est pourquoi l’éducation de cette main dut com-
« mencer à l’épaule, par des mouvements qui, partant
« des élévateurs des-bras, entraînèrent successivement
« dans leur action les muscles du bras, de l’avant-bras
« et de la main. Ce fut ainsi que par une série d’opé-
« rations le pouvoir de diriger les mouvements des-
« cendit graduellement de l’épaule aux leviers péri-
« phériques de la main. L’enfànt devint capable de
« mouvoir sa main et ses doigts, par imitation d’abord
« et de sa propre, intention ensuite, « . :
Nous avons été d’autant plus frappée de ces obser¬
vations qu’elles nous ont rappelé un souvenir de notre
propre expérience remontant à notre jeunesse.
— 70 —
3® OBSERVATION (personnelle).
Langue idiote.
Chargée à cette époque de l’éducation d'une fillette de sept
ans, notre attention fut attirée sur sa sœur, plus jeune de deux
ans, systématiquement tenue à l’écart des étrangers. Cette
enfant, choyée et soignée, était cependant considérée comme
une idiote, parce que, n’étant pas sourde, elle n’avait jamais pu
apprendre à parler.
Sur notre prière, la mère nous donna l’autorisation de nous
occuper d’elle, et nous gardons encore la satisfaction d’avoir
réussi à la faire parler.
Sauf pour les besoins de la déglutition, cette petite ne savait
pas et ne pouvait pas se servir de sa langue, que nous nous
rappelons très dure et très épaisse. Peu à peu, nous avons pu
lui apprendre à manier cet organe, guidée dans les moyens à
employer par le souvenir d’un jeune sourd muet alsacien, l’un
des -premiers élèves à Lyon de M. Hugentobler, et pour le
dessin, celui de notre père J. Guichard.
En six mois, nos efforts furent couronnés de succès. '
Dans la suite, l’instruction et l’éducation de la jeune fille
suivirent leur cours normal. Elle est actuellement mère de plu¬
sieurs enfants, tous intelligents et sans aucune tare physique.
Pour terminer notre étude sur Seguin, nous citerons
quelques-unes des dernières lignes écrites par lui.
« Certaines personnes firent des objections au sujet
« des expressions — « une main idiote » — « un œil
« idiot » — sous le prétexte que l’idiotie est le privi-
« lège et le monopole de la tête. Ce cêphalisme., ou
« césarisme des centres céphaliques, a été l’objet de
« recherches et trouvé insuffisant. Tout récemment,
« les physiologistes ont étudié les fonctions du grand
— 7t —
« sympathique comme régulateur de la chaleur, et ses
« relations avec les millions de nerfs périphériques,
« qui forment avec lui, tout à fait indépendamment
« du cerveau, l’appareil démo-névrotique de la vie de
« relation. C’est sur cet objet que portaient les der-
« nières expériences de Claude Bernard ; notre édu-
« cation physiologique des idiots peut être considérée
« comme une longue série d’expériences (i 838 -i 88 o)
« tendant aux mêmes conclusions. Aujourd’hui, une
« théorie et une pratique de l’éducation des idiots qui
« ne tiendraient pas compte du sympathique, ni des
« formes périphériques de l’idiotie, et prétendrait
« améliorer les idiots en enseignant des idées à leur
(( cerveau, ne recueillerait pas plus d’adhérents que la
« doctrine qui attribue au Roi le pouvoir de guérir les
« scrofules ou d’assurer d'abondantes moissons. »
CHAPITRE lY
BOURNEVILLE
Bourneville Désiré - Magloire (1840-1909) né à
Garancière, dans l’Eure, soutint sa thèse à Paris,, en
1870. Pendant la guerre il fut nommé chirurgien-
major du 160® bataillon de la Garde Nationale, etaide-
major à l’amhulance du Jardin des Plantes.
En i 863 , dix-sept ans avant la publication des
Mémoires de Seguin, que nous venons de citer, Bour¬
neville, alors externe des hôpitaux, avait déjà publié un
« Mémoire sur la condition de la bouche chez les idiots »,
paru dans le Journal des Connaissances médicales et
pharmaceutiques (1862-1 863 ). Dans ce travail, il
cite Seguin, pour établir la priorité des recherches de
celui-ci sur celles d’un médecin anglais, le D’’ Langdon-
Down, qui venait de publier les siennes.
L’exemplaire que nous avons eu entre les mains
porte cette dédicace autographe : « A mon cher Maître,
M. Axenfeld. —Bourneville^ ». Il y appelle l’attention
médicale sur ce fait : « Que la première période den-
« taire est surtout celle où l’on commence à recon-
^ Bourneville, Mémoire sur les conditions de la bouche chez les
idiots, Paris, Méquignou-Marvis, i863.
- 73 -
« naître la faiblesse psychique chez l’enfant. c’est à
« cet instant que s’installe, en quelque sorte, le germe
« des infections qui doivent l’assaillir plus tard. » —
Puis il passe en revue ce qui concerne : la mastication,
la déglutition, la bave, le goût, la succion, la parole et
la phonation, et, enfin, le traitement que nous repro¬
duisons in extenso^ ainsi que les conclusions,
« Gomme principe général il faut, avant toute
« immixtion pédagogique, remédier aux difformités
« physiques, relever la constitution, fortifier les or-
« ganes.
« Relativement à la bouche, posons les propositions
« suivantes :
« I® Prendre soin des dents, les brosser avec des
« poudres dentifrices, principalement le quinquina qui
« simultanément combattra la gingivite et ramènera la
« muqueuse à l’état normal ;
« 2® Surveiller attentivement la dentition ;
« 3 ® Habituer les malades à garder dans leur bouche
« des gargarismes astringents et toniques qui feront
« disparaître l’inflammation de la muqueuse buccale ;
« 4 “ Veiller à ce que les enfants ne mâchent pas de
« matières dures, ne mordillent pas de morceaux de
« bois, des brins de paille, etc., etc.; s’opposer à la
« succion, cause de troubles digestifs ;
« 5 ® Remédier à la bave; l’électricité, dans cette
v circonstance, sera avantageuse; il est probable que la
« contraction produite par cet agent réveillerait la
« contractibilité si obtuse des fibres de l’orbiculaire, et
« faciliterait l’occlusion de la cavité orale ;
« 6° Exercer la langue ;
— 'ih —
(( f Traitement hygiénique, surveillance active,
« soins pédagogiques, exercicedeTarticulationdessons.
« Conclusions. —A-peu près les mêmes que celles
« deM. Langdon-Down.
« L’idiotie s’accompagne de symptômes physiolo-
« giques et pathologiques importants par rapport à la
« bouche.
« Ce sont :
« 1° Epaisseur des lèvres, principalement de l’in-
« férieure ;
« 2° Grandeur de la bouche ;
« 3 ® Retard de la dentition, décrépitude, carie des
« dents, irrégularité singulière de la dentition, défec-
« tuosité de la mastication ;
« 4 * L’inflammation chronique des gencives, leur
« ulcération, leur liséré bleuâtre;
« 5 ® La courbure prononcée de la voûte palatine, sa
« profondeur, son aspect, tantôt angulaire, tantôt
« ogival, la dépression antérieure ;
« 6® La longueur de la luette ;
« 7° L’hypertrophie des amygdales, leur vasculari-
(( sation ;
« 8® Les papilles linguales volumineuses, les mouve-
« ments peu coordonnés dp la langue ;
« 9® L’hypersécrétion salivaire, la bave ;
« 10® La succion ;
« 11® La parole nulle ou peu développée ;
« 12® Un traitement médical peut, avec de grands
« bénéfices, être mis en usage pour diminuer ces sym-
« ptômes morbides. »
Nulle part, dans toute l’œuvre de Seguin, il n’est
possible de trouver des indications aussi nettes et
aussi immédiatement utilisables que celles fournies par
le travail de cet étudiant de vingt-trois ans.
C’est qu’aucune question personnelle n’entrave celui-
ci. Certes la médecine sera pour ce jeune homme l’ins¬
trument de la « lutte pour la vie ». Mais convaincu
avant tout et d’instinct de l’abnégation initiale néces¬
saire à l’exercice de la carrière qu’il a choisie,
Bourneville, avec l’entrain et la générosité de sa jeu¬
nesse, travaille d’abord pour être en mesure d’honorer
la fonction médicale.
Il garda toute sa vie une puissance de travail consi¬
dérable, et toujours la même activité et les mêmes
préoccupations généreuses. Médecin, publiciste, homme
politique, sa personnalité déborde le cadre de notre
travail. Son œuvre même en faveur des idiots et de tous
les déficients en général suffirait, à elle seule, à jus¬
tifier une biographie détaillée aussi intéressante qu’ins¬
tructive. Nous nous efforcerons simplement d’en donner
un aperçu le plus exact qu’il nous sera possible, par
rapport au sujet qui nous occupe.
Nous venons de constater que dès le début de ses
études, Bourneville s’intéressa aux enfants déficients.
Il couronna sa carrière par la mise en œuvre à leur
service de toute sa puissance de savant philosophe et
d’homme politique ; et il leur doit ainsi le plus sûr et le
meilleur de sa renommée.
Conseiller municipal de Paris et conseiller général
du département de la Seine depuis 1876, il entra en
lutte à leur sujet avec l’Assistance publique, dès sa
nomination de médecin-chef à Bicêtre en 1879.
- 76 -
Voici son propre témoignage quand le but fut atteint,
a Plus heureux que notre vénéré maître, M. Delasiauve,
« et que nos collègues et prédécesseurs dans le service,
« MM. A. Voisin et Falret, nous avons été assez heu¬
rt reux pour réaliser une réforme indiquée comme de
« première urgence pour Thonneur de Paris, par
« MM. Maxime Du Camp et Othenin d’Haussonville.
« Nous avons réussi, malgré l’Administration de l’épo-
« que, grâce au Conseil municipal de Paris et au Conseil
<c général de la Seine ; nous les en remercions de tout
« cœur.
a Décembre 1892. <( Bourneville. »
Voici, par M. O. d’Haussonville en 1877 V
description du quartier de Bicêtre à laquelle Bourne-
viLLE fait allusion. « Ce quartier a quelque peu perdu
« de son intérêt pour le visiteur depuis qu’on a trans-
« féré à l’asile de Vaucluse, une partie des enfants
« qu’il contenait et qui étaient les plus intelligents.
« Les enfants qu’on y a laissés sont divisés en deux
rt catégories: les bien portants et les malades. Par'
« malades^ on désigne, non pas ceux qui sont atteints
« de maladies aiguës, mais ceux dont l’état d’imbécil-
« lité est tel qu’ils ne peuvent se suffire à eux-mêmes
rt pour les actes simples de la vie et qu’ils ont besoin
rt de soins constants. Ces malhenreux enfants parta-
« gent leur vie entre l’infirmerie et une salle nauséa-
« bonde . ...
rt.Tout ce pauvre monde grouille sous
* O. d’Haussonville, Etude de l’Enfance à Paris (Revue des Deux
Mondes, mars.1877).; '
(( les yeux d’une surveillante laïque et de deux infir-
« mières qui ne parviennent pas, malgré toute leur
« bonne volonté, à les maintenir dans un état de pro-
(( prêté, même relatif. Te ne connais pas de spectacle
« plus triste et plus troublant.
« La division des « bien portants » se compose
(( presque exclusivement d’enfants épileptiques. A les
« voir jouer de loin, on les prendrait avec leur uniforme
« bleu pour les élèves d’un pensionnat mal tenu; de près
« on ne tardera pas à remarquer sur la figure de cha-
« cun d’eux quelque symptôme soit d’abrutissement
« soit au contraire d’excessive irritabilité. »
Tel était l’état du service à l’arrivée de M.Bourneville
en 1879. Il y avait alors 5 o enfants à Bicêtre « hospi¬
ce talisés dans une hideuse renfermerie, isolée tant bien
« que mal dans d’anciens bâtiments trop étroits, désa-
« gréablement distribués, branlants de vétusté, et qui
<( depuis longtemps auraient dû tomber sous la pioche
« des démolisseurs^ )).
En 1892 la section des enfants à Bicêtre, installée
par les soins et sous la surveillance de M. Bourneville,
comptait, dans des bâtiments neufs et agencés spécia¬
lement, 460 lits ainsi répartis :
Dortoirs. 3 20
Bâtiments des gâteux. 92
Infirmerie. . . • ^4
Pavillon d’isolement .. 16
Pavillon des cellules. ^
Total. 460
^ Maxime du Camp, Paris, ses organes, sa fonction et sa vie dans
la seconde moitié du XIX^ siècle, p. 876, Paris, iSyS.
- 78 -
De plus ; des bâtiments spéciaux pour les réfec¬
toires respectifs de la Grande et de la Petite Ecole,
ayant aussi chacune leurs gymnases et leurs préaux ;
des bains, des douches ; enfin des ateliers de menui¬
siers, de serruriers, de typographes, sont au rez-de-
chaussée d’une construction dont le premier étage est
occupé par des tailleurs, des cordonniers, des vanniers
et rempailleurs, et des brossiers ; le second étage étant
réservé aux logements des chefs d’atelier.
Le transfert des enfants les moins déshérités de
Bicêtre à l’asile de Vaucluse (Seine-et-Oise), s’était
déjà effectué en 1876 à la suite de rapports présentés
par M. Bourneville, au nom de la 3 " Commission
du Conseil municipal.
En 1890 Bourneville fut aussi chargé de la réorga¬
nisation de la Fondation Vallée, qui n’est séparée de
l’hospice de Bicêtre que par une rue ; elle compléta
ainsi le service par l’adjonction de 200 filles.
Son fondateur. Vallée Hippolyte (1816-1886), avait
été en i 843 nommé successeur de Seguin à Bicêtre.
Son zèle, sous la direction du D'" F. Voisin, et proba¬
blement quelques renseignements recueillis par lui-
même sur l’enseignement de son prédécesseur, lui
firent concevoir une méthode d’exercices habilement
gradués, par laquelle les enfants apprenaient à marcher,
courir, voir, parler, etc. En raison des succès obtenus,
en 1847, restant toujours instituteur à Bicêtre qu’il ne
quitta qu’en 1866, il fut mis à même d’organiser une
maison de traitement et d’éducation pour les filles
idiotes de la classe aisée. Cette institution devint rapi¬
dement florissante et fut léguée par son fondateur à
— 79 —
l’Administration départementale en i 885 sous condi¬
tion d’y élever des idiotes pauvres.
Nous empruntons à M. Boürneville les quelques
détails suivants pour donner un aperçu très sommaire
du traitement médico-pédagogique appliqéu sous sa
direction à Bicêtre, à la Fondation Vallée et à Vau¬
cluse ^
a II comprend à peu près toutes les méthodes et
« tous les procédés d’E. Seguin, complétés ou perfec-
« tionnés sur différents points, et, qu’ou nous passe
« l’expression, davantage médicalisés, en nous inspi-
« rant de l’un de ceux qui, après Seguin, se sont le
« plus sérieusement occupés du traitement de l’idiotie.
« Nous voulons parler de M.Delasiauve.
« . . . .
« A quelle époque doit-on commencer le traite-
« ment ? Selon nous il doit être entrepris aussitôt que
« l’on a constaté les premiers signes de Vidiotie .
« L’Administration semble l’avoir compris, puis-
« qu’elle autorise de longue date, l’admission des
« enfants idiots à Bicêtre et à la Salpétrière dès l’âge
« de deux ans.
« Supposons un enfant atteint d’idiotie complète...
gâteux... ne parlant pas, etc.
« A. Education de la marche. — Les différentes
« jointures des membres inférieurs sont soumises à
« des exercices de flexions et d’extensions alternatives ;
« les muscles sont massés doucement, les membres
1 Boürneville, « Assistance, traitement et éducation des enfants
idiots et dégénérés » (Bibl. d’éduc. spéciale, t. IV, p. 216 et suiv.).
« sont soumis à des frictions stimulantes ; l’enfant est
« placé sur un fauteuil-balançoire particulier, les
« jambes allongées vont frapper une planche verticale
(( formant une sorte de tremplin. Cet exercice donne
« de la souplesse, de l’élasticité, de la force, aux mem-
(( bres inférieurs. Au bout de quelques jours le plaisir
« que l’enfant éprouve à se balancer compense peu à
« peu l’ennui du tremplin.
« Au tremplin succèdent les barres parallèles, pou-
(( vant être mises à la hauteur de la taille des enfants ;
« puis l’escabeau pour apprendre à monter, descendre,
« sauter...
« B. Education de la main, débutant (après les
« soins donnés comme aux membres supérieurs) par
« l’exercice des échelles de bois ; puis des échelles de
« cordes à traverses de bois. La maîtresse maintient
« avec ses mains les mains de l’enfant et lui fait exé-
« cuter différents mouvements ... ....
« Enfin on se sert de ressorts, de bâtonnets de diffé-
« rentes longueurs et de différents diamètres, . . .
« de planchettes.de boules, ....
« de façon à exercer tous les muscles des doigts et de
« la main.
« C. Education du toucher. —.
« Plonger la main dans de l’eau froide, tiède ou
« chaude ; faire passer la pulpe des doigts alternati¬
ve vement sur des surfaces rugueuses ou polies sur du
« drap, de la soie, du bois. ..
Ci D. De l'attention. — L’absence d’attention est
— 8i —
a ün des principaux caractères de Fidiotie complète,
« Douer d attention un idiot complètement inattentif,
« c’est, pour son éducation, réaliser un progrès incon-
« testable . . . . . . . . Cette inattention
« n’existe pas seulement pour la vue ; mais encore
<5( pour l’ouïe, ce qui est moins frappant ....
«••••. Dans le cas d’inattention absolue,
« on a recours à des boules ou sphères brillantes ; à
« des morceaux d’étoffes de couleurs éclatantes ; au
« rayon lumineux qu’on fait pénétrer dans une
« chambre noire, etc,,. à la fixation
« prolongée du regard. Il faut souvent continuer ces
« exercices pendant des mois (Seguin dit des années)
« avant d’arriver à fixer l’attention de l’enfant. »
En 25 pages, M. Bourneville met à la disposition de
toute personne de bonne volonté des renseignements
pouvant rendre des services immédiats à un malheu¬
reux idiot ; mais, s’il n’ajoute pas comme Seguin que
seule une mère intelligente et dévouée pourra persé¬
vérer assez pour obtenir un résultat, il dit cependant :
« C’est en dressant péniblement le personnel ensei-
« gnant que nous avons obtenu, à Bicêlre et ailleurs,
« de sérieux résultats, et que nous avons démontré,
« pour ceux qui consentent à examiner les faits avec
« soin, la possibilité d’améliorer d’une façon très évi-
« dente la plus grande proportion des enfants idiots,
« au point de les rendre aptes à vivre en société. »
Convaincue de Futilité de cette démonstration par
le fait, dans un petit volume de 1 35 pages ^ où sont
‘ Bourneville, « Traitement médico-pédagogique » (Bibl. d’éduc.
spéciale, t. XIII, p. 2).
—^ 82 —
consignées 98 observations, dont 60 se rapportant aux
garçons de Bicêtre, et 38 aux filles de la Fondation
Vallée, nous avons fait choix de 6 d’entre elles.
M. BourneVILLE a publié ces observations, ainsi que
toute une série de rapports et de comptes rendus annuels ,
parce que, dit-il : — « Marchant dans la voie indiquée
c( par nos éminents prédécesseurs, nous avons fait
« campagne pour l’assistance, le traitement, l’éduca-
« tion des enfants idiots de tous les degrés, depuis
« Y idiot complet, être végétatif, jusqu’aux enfants
(( moyennement arriérés, confinant à l’enfant normal
« moyen. Pour les plus malades, nous avons réclamé
« des asiles-écoles ; pour ceux qui peuvent rester dans
« leurs familles, des classes ou des écoles spéciales.
« Afin de prouver que la réforme n’était pas une utopie
« nous nous sommes efPorcé de montrer que les idiots
« complets, les idiots profonds étaient améliorables, et -
« que, à plus forte raison, les imbéciles et les arriérés
« étaient perfectibles, et pouvaient être rendus utiles
c( à la société. De là les visites de notre service le
« samedi à Bicêtre, et c’est pourquoi nous nous som-
(( mes décidé à faire une nouvelle communication
« reposant sur des faits. »
Observations concernant les enfants de Bicêtre
4® OBSERVATION
IV. MAZ... Henri.
Entrée : 2 décembre 1887.
Age : Trois ans et demi.
Idiotie profonde, microcéphalie très prononcée.
La parole, la marche, la préhension étaient nulles. Il ne pou-
— 83 —
vaitmême pas tenir sa tête pour prendre sa nourriture ; à chaque
repas, il fallait le tenir couché sur le hras pour lui introduire les
aliments dans la bouche en les laissant glisser lentement de la
cuiller. Il ne pouvait manger que des bouillies.
1888. — Presque pas de changement.
1889. — La parole semble vouloir venir, il prononce : a Oh
papa, maman, du pain, ça y est, nous voilà. » Il joue avec les
enfants. 11 grossit, ses jambes prennent de la force.
1890. — Le vocabulaire a augmenté. L’enfant commence à
pouvoir se tenir à table et à saisir la cuiller; il peut même manger
du pain et de la viande. Il n'est plus gâteux {sis. ans). Il marche.
1891. — Il va le matin à la petite école; il commence à lacer,
à boutonner; il peut placer les lettres, les chiffres sur le tableau
sans se tromper. 11 fait la gymnastique.
1892. —Il est devenu gai, bavard, même un peu turbulent. Il
est propre, coquet, s’habille et se nettoie seul.
1894. — L’enfant est capable de soutenir une conversation. Il
entend bien la plaisanterie et réfléchit avant de parler, c’est-
à-dire que si on lui commande quelque chose, et qu’il s’aperçoive
que c’est une plaisanterie, après réflexion, il se met à rire et dit ;
« Oh ! non, tu veux me tromper. »
1895-96 (onze et douze ans). Il compte jusqu’à loo, connaît
toutes les couleurs, commence à syllaber, à mieux écrire et est
envoyé à la grande gymnastique.
1897-98. — Le travail scolaire est bon. L’enfant est envoyé une
demi-heure à l’atelier de couture ; il est dans un état satisfaisant
au point de vue de la tenue, du raisonnement, et de l’intelligence.
1901. — A dix-sept ans, conjonctivite granuleuse, compliquée
de kératite qui l’empêche même de se guider.
1903. — La vue reste mauvaise; il s’occupe au ménage et à
faire les commissions; ses camarades l’appellent « le premier
frotteur » du pavillon.
1904. — Il s’améliore toujours en ce qui concerne la com¬
préhension, le caractère et la conduite; mais il ne faut plus main¬
tenant lui parler de l’école, et en dépit de tous les essais il a été
impossible de lui apprendre à lire couramment, entravé non seu-
84 -
lement par ses yeux, mais par une faiblesse de raudition, qui
l’ennuie parce qu’il ne peut pas toujours bien comprendre,
1905. — Maz... est habile à tous les travaux du ménage et à la
gymnastique. Il travaille de nouveau depuis six mois à la couture
ses yeux allant mieux; fait les commissions dans la maison,
continue à frotter le pavillon où il couche.
Décembre.— Maz... reste le même, toujours docile, ayant une
bonne tenue. Après avoir présenté un arrêt de développement
physique pour lequel il a été soumis à la glande thyroïde, sa
taille est devenue normale (à côté de la toise sur la photographie,
sa taille, à vingt et un ans, paraît être de i m. 56).
’ 5« OBSERVATION
XXXVI. MIL... Emile.
Entrée : le lo août i 8 g 5 .
Age : neuf ans.
Idiotie complète.
Il gâtait, ne savait pas s’habiller, mangeait à pleines mains. 11
était d’une nature somnolente et paresseuse ; il n’avait aucune
notion classique.
1896. — Il est propre, mange convenablement, commence à
s’habiller.
1897. — Il a appris à lacer, nouer, boutonner, à se laver seul
les mains, il reconnaît les couleurs, les différentes parties de son
corps, presque tout le contenu des boîtes aux « leçons de
choses ».
1898. — 11 connaît ses lettres, les chiffres, les surfaces, exécute
bien les mouvements de la petite gymnastique.
1899. — Il commence seulement à prendre goût à la lecture et
à l’écriture.
1900. — Progrès très sensible pour la lecture, l’écriture et le
calcul. Cet entant dont l’amour-propre s’est éveillé est heureux
des pi’ogrès réalisés et travaille avec plaisir.
1901. — Mil... passe à la lecture courante; il fait des e^çercices
de grammaire, l’addition, la soustraction, la multiplication ; il
— 85 —
calcule un peu mentalement. Il a de l’amour-propre et est très
sensible aux reproches et aux compliments.
1902-03-04 05. —Mil..., dix-neuf ans. Ilafaitles années pré¬
cédentes des progrès notables et réguliers ; il fait maintenant la
division et commence à rédiger. Il va à l’atelier de brosserie 5 son
patron est satisfait de son travail. Caractère ; indiscipliné et
impoli avec le personnel.
Décembre. — Mil... a pris un goût réel à la classe, aussi ses
progrès sont satisfaisants.
6 ® OBSERVATION
XXVII. LEM... Georges.
Entrée : avril 1890 .
Age : treize ans et demi.
Idiotie profonde.
A son arrivée, il avait tous les tics et les manies des idiots:
parole nulle, poussant des cris sauvages, mordant ceux qui
l’entouraient, gâtant jour et nuit.
Signalé déjà dans le compte-rendu du service de 1899 comme
très amélioré et arrivé à lire couramment ; l’écriture ayant marché
de front. Grande difficulté pour le calcul.
1900. — (Il a vingt-trois ans). La parole est encore défectueuse ;
il a acquis cette année les sons ch, g, v, z, ill, gn, hl] mais tous
ces sons bien articulés au commencencement et dans le corps des
mots, sont nuis en syllabes muettes; il dit bien tableau, mais
pour table il dit ta.
1901. — Progrès satisfaisants, lit couramment; écrit lisiblement.
1902. — Il a une mémoire extraordinaire pour l’orthographe
des mots qu’il a lus. Il fait quelques exercices de grammaire,
l’addition, la soustraction et ébauche la multiplication.
Mais il devient de plus en plus maniaque. Il ne faut jamais que
rien vienne intervertir l’ordre des choses établies, sinon il est
furieux. Si une infirmière change son jour de sortie, il l’invective
et bougonne toute la journée. Dans une promenade, si l’on ne
revient pas par le même chemin il récrimine tout le long du
I. S.-Y.
— 86 —
trajet; si une leçon de grammaire remplace une leçon de choses,
il est fâché, ne veut rien écouter, répond des bêtises et fait en
sorte de troubler l’ordre. Et si ses camarades s’apercevant de sa
bizarrerie le taquinent, alors ce sont des rages, il crie, trépigne,
tape à droite, à gauche les gens et les meubles, et ne se calme
que lorsqu’on fait signe de le conduire en cellule.
1903-04-05. — Progrès lents mais réguliers. Le caractère rageur
et original s’accentue. A l’entrée idiotie complète ; aujourd’hui
on posei’ait le diagnostic ; imbécillité (il a vingt-huit ans).
7® OBSERVATION
XXVIII. ROB... Maurice.
Entrée : 26 janvier iSgS.
Age : Six ans et demi.
Imbécillité. Hémiplégie gauche.
Parlant à peine, ne sachant pas s’habiller, n’ayant aucune
notion classique.
1894. — Il sait s’habiller, lacer, nouer, boutonner, connaît ses
chiffres, ses lettres, commence à lire.
1897. — Cet élève (il a dix ans) a beaucoup progressé pour
l’orthographe et la rédaction, il fait les quatre opérations.
l£98. — Les progrès continuent.
1899. — Notre élève ayant apporté un peu de nonchalance nous
n’avons pas réalisé les progrès que nous espérions. Caractère
assez facile quoique un peu rageur et bizarre; lorsqu’on lui
adresse des reproches il est pris d’une envie de rire qu’il a peine
à contenir.
1900. — Il reprend goût à la classe.
1901-02-03-04. — Il continue à bien travailler et passe avec
succès (à dix-sept ans) l’examen du certificat d’études. Il suit
maintenant les cours professionnels de l’école d’infirmiers de
Bicêtre.
1905. — Il a obtenu le diplôme d’infirmier, a même remporté
quelques prix, ainsi que le livret Gallois. Le 20 août, Rob... passe-
— 87 —
à la grande école. A l’atelier de couture, il fait complètement le
pantalon et le gilet.
8® OBSERVATION
XXIX. P 0 I... Marcel.
Entrée : le 27 juin 1898.
Age : cinq ans.
Idiotie, hémiplégie droite.
Gâtant nuit et jour, marchant péniblement, ne sachant pas
s'habiller, et n’ayant aucune notion scolaire.
1894. — L’enfant ést propre, s’habille, connaît toutes les lettres
de l’alphabet et les chiffres.
1896. —Il lit couramment, mais ne comprend pas bien ce qu’il
lit (il a huit ans), l’écriture est très régulière (l’enfant écrit de la
main gauche).
1903. — Les progrès ont été lents, mais réguliers, l’enfant étant
très ponctuel. Il résout assez vite et avec, justesse un calcul
mental, connaît bien toutes les mesures métriques et fait sans
erreur les quatre opérations.
1904. — Poi... étant très raisonnable, nous avons deuxfois essayé
de le placer au dehors, mais il n’a pu y rester à cause du trem¬
blement de sa main droite. Depuis le i®*' décembre, il est plaéé
chez un pharmacien du Kremlin.
1905. — Toute l’année, Poi... est resté chez son patron pharma¬
cien, qui est content de ses services. Entré à raison de i 5 francs
par mois, il gagne actuellement 40 francs (il a dix-huit ans).
9 ® OBSERVATION
XCVIII. PRO... Edmond.
Entrée : 6 juin 1894.
Age ; trois ans.
Idiotie complète.
Est arrivé gâteux ne marchant pas, ne parlant pas, ne s’aidant
d’aucune manière pour l’alimentation, la toilette, 1 habillement.
1903. Sa tenue est propre et soignée; il se donne à lui-même
tous les soins nécéssaires. Très obstiné, il ne voulait rien
apprendre. A présent, il lit couramment, écrit bien, fait les
quatre opérations, dessine et possède d'assez bonnes notions sur
la musique. Il est apprenti tailleur et son travail à l’atelier
comme à la classe est satisfaisant (Pro... a douze ans).
1905. — Il est passé à la grande école en 1904 . Depuis, ses
progrès ont été lents, parce que le maître de sa classe ne s’en
est que médiocrement occupé. Il n’a pas veillé à ce qu’il suive
régulièrement les leçons de chant et de dessin. Pro... a continué
à bien faire la gymnastique et à bien travailler à l’atelier du tail¬
leur où il est un des meilleurs apprentis. Conduite générale
bonne. Caractère gai et enjoué. Bon camarade, un peu taquin,
non batailleur. En classe, les progrès ont été limités, mais la
faute en est moins à lui qu’au maître qui ne s’attache que médio¬
crement à ses élèves.
Telles que nous les donnons ici, ces observations
avaient été présentées au Congrès des Aliénistes et
Neurologistes de Rennes, en août igoS, par M. Bour-
NEviLLE. Celui-ci avait été chargé, à l’occasion de ce
Congrès, par le Conseil supérieur de l’Assistance
publique, de faire un Rapport sur la fixation des
médecins dans les asiles publics d'aliénés et il avait
profité de son enquête à ce sujet auprès de ses collègues,
pour établir la statistique des enfants idiots et épilep¬
tiques internés dans les asiles, afin, suivant son expres¬
sion familière, « de faire campagne en leur faveur »
auprès de la savante réunion.
Le but paraît, a priori, certainement atteint quant à
la démonstration, jusqu’à l’évidence, de l’efficacité du
traitement médico-pédagogique, par les résultats enre¬
gistrés dans le petit volume dont ces six observations
ne sont qu’un faible spécimen. Mais l’autorité person¬
nelle si active et si entraînante de M. Bourneville ayant
-Sg-
disparu, leur rédaction suscite à la lecture un certain
nombre de réflexions allant à l’encontre du but pour¬
suivi par cet illustre médecin-chef.
Ces observations, uniquement pédagogiques, sont
évidemment œuvre d’instituteur, et de ce fait ne pré¬
sentent pas plus d’intérêt scientifique que celle que
nous avons fourni nous-même d’après un souvenir
personnel.
C’est que l’Assemblée à laquelle M. Bourneville
devait les présenter, se composait en majorité de
médecins. Au point ^e vue purement médical, la dis¬
cussion et l’exposé du traitement pouvaient être mis
au point très rapidement et de vive voix, puisque ces
questions ramenaient la plupart des congressistes à
leurs occupations habituelles et journalières. Il en était
tout autrement sous le rapport pédagogique, et nous
avons déjà entendu M. Bourneville nous dire « quil lui
fallait dresser péniblement le personnel enseignant ».
Il était donc nécessaire que le corps médical en soit
averti.
De plus, la sixième observation que nous avons ci¬
tée mentionne précisément une critique qui ne peut
émaner que du chef de service, vis-à-vis du « maître
qui ne s’intéresse que médiocrement à ses élèves »
rendant celui-ci responsable de l’échec infligé à la
méthode par l’absence de progrès chez l enfant qui
donnait autrement et ailleurs toute satisfaction. Telle
était, en effet, la thèse que devaient illustrer ces obser¬
vations.
Cette mentalité de M. Bourneville était à retenir,
car elle est tout un enseignement.
— 90 —
Quand Seguin, citoyen américain, visita Bicêtre en
1877, il y trouva le successeur de M. Vallée,
M. Desportes, et il estime que celui-ci « par son talent
« et sa bonté, est un maître d’une vigueur et d’une
« bonté peu communes^ ». M. Bourneville, d’autre
part, dit : « M. Desportes était un excellent homme,
» mais bien au dessous de sa tâche. » Et il ajoute :
« Son successeur, que nous avons trouvé en 1879, et
« que nous avons toléré jusqu’en i 883 , lui était encore
« inférieur^. »
Cette divergence de vues s’explique. Ayant retrouvé
à Bicêtre l’installation déplorable qu’il avait connue,
le disciple d’iTARD apprécie toutes les difficultés de la
tâche, et, dans ces conditions, accorde toute sa bien¬
veillance à son successeur, qu’il est tout prêt à consi¬
dérer comme une victime. Tandis que, profondément
convaincu de la priorité de l’action thérapeutique, et
de la somme considérable de bien réalisable par l’em¬
ploi des méthodes étudiées, et expérimentées depuis
un siècle en Europe et en Amérique, Bourneville se
rend compte de la nécessité de médicaliser le péda¬
gogue au point de vue particulier des idiots et des défi¬
cients.
En accueillant Seguin comme un des leurs, les méde¬
cins des Etats-Unis atteignirent d’emblée, en i 85 o, le
but inutilement poursuivi par Bourneville jusqu’à sa
mort. Fernald, Sumner, qui avaient visité l’école de la
rue Pigalle, Wilbür, Knight, fondèrent sous leur
1 Seguin, Rapport et Mémoires sur l'Education^ p. i45.
2 Bourneville, Rapport au Congrès de Lyon^ p. 69 , 1894 .
— 91 —
propre direction, des asiles-écoles, où, avec l’aide de
leurs collègues et de Seguin, ils dressèrent le person¬
nel enseignant et hospitalier, et où, après eux, la direc¬
tion reste encore et toujours aux membres du corps
médical.
« Tous, ou presque tous les asiles des Etats-Unis
« appliquent le même système de traitement médico-
« pédagogique. Ce sont la méthode et les procédés for¬
ce mulés par Seguin, méthode et procédés inventés
« des années avant la création des jardins d’en-
« fants ^ », et des nouvelles méthodes qui en dérivent
à peu près toutes.
La longueur du texte de la première des observations
que nous avons citées, celle de Maz... Henri, nous ser¬
vira à démontrer que Bourneville avâit donné à cette
série une forme restreinte dans le but précis que nous
venons de développer.
En effet, telle que nous l’avons transcrite, de décem¬
bre 1887 à décembre iqoS, sa rédaction couvre envi¬
ron deux pages pour une période de dix-huit ans.
Nous l’avons trouvée, citée par le D’’ Thulié dans
son ouvrage : Dressage des jeunes dégénérés^ publié
en 1900; extraite in extenso des Comptes rendus
annuels de Bicêtre, la rédaction prend douze pages
pour une période de douze ans.
Dans cet ouvrage, M. Thulié cite ainsi cinq observa¬
tions qui, avec les portraits des enfants, remplissent
cent cinquante pages.
Qu’il nous soit permis d’en mentionner une, pour,
1 Bourneville, Rapport au Congrès de Lyon, p. 177, 1894.
ayant donné le diagnostic et le résumé analytique, en
signaler le résultat répondant par une heureuse proba¬
bilité au point d’interrogation qui se pose souvent au
sujet de la descendance de ces malades guéris.
10« OBSERVATION
HORN... Jean, Stéphane b
Entrée : le i8 février i88i.
Age ; dix ans.
Imbécillité.
Crises nerveuses à quatre ans, suivies de strabisme pendant
un an. Alternatives de somnolence et de turbulence. Klepto¬
manie, mendicité, onanisme. Accès de colère, jalousie. Syphilis
(t882-i883). Stomatite mercurielle. Tumeur du foie. Broncho¬
pneumonie. Rubéole. Rougeole. Un frère plus jeune, idiot
complet.
1887. — Etat intellectuel à seize ans. Commence à syllaber, a
de la peine à imiter Fécriturem anuscrite, fait depetites additions,
connaît le jour et le mois, les couleurs et la forme dessolides.
Caractère : Flatteur, malicieux ; s’occupe depuis quelque
temps de son frère idiot qu’il battait auparavant, s’améliore
progressivement.
1892. — Quitte l’hospice (il a vingt et un ans). Commençait à lire
couramment les gros caractères. Il a malheureusement une mau¬
vaise vue. Est devenu studieux, docile, très propre sur sapersonne
et sur ses vêtements. Est très actif, serviable et tou jours poli.
1899,21 avril. — Il vient me prier de demander de l’avancement
pour sa femme, première infirmière à Beaujon. Il s’est marié il
y a quatre ans, il a une fille de vingt et un mois qui commence
à parler et à être propre ; elle n’a jamais eu de convulsions.
Horn.. . est dans les hôpitaux depuis,sept ans : Ivry, la Charité.
Bicêtre et Beaujon.
1 ThnlLé, Dressage des jeunes dégénérés, p. 196 àaia, Paris, 1900,
La vue ne s’étant pas améliorée, il n’a pu se perfectionner
pour avoir son diplôme d’infirmier.
M. Thülié ajoute : « Horn... grâce au dressage
« médico-pédagogique, peut gagner sa vie, aider à
« l’entretien de la famille, au lieu d’être resté un
«. imbécile, incapable, encombrant, probablement
(( dangereux pour la société, passant alternativement
« de la prison à l’asile d’aliénés, au grand détriment
« des finances et de la sécurité publique. »
Nous ne pouvions pas mieux dire ; mais après cette
démonstration du développement intellectuel possible
à obtenir, nous devons ajouter que Bourneville et
Seguin recommandent au début de l’éducation médico-
pédagogique, de confier à des femmes les garçons
aussi bien que les filles.
Nous terminerons notre étude sur M. Bourneville
en rappelant son active intervention en faveur des
enfants idiots et dégénérés, au P' Congrès National
d’Assistance publique qui se réunit à Lyon en 1894.
Au nombre des organisateurs du Congrès se trouvaient
MM. Thulié et H. Sabran. Ces Messieurs pensèrent
que la question d’assistance spéciale de ces malheureux
enfants, devait figurer parmi celles à examiner, et dans
ce but demandèrent à M. Bourneville de se charger
du rapport nécessaire à éclairer la discussion..
Bien que les choses administratives nous soient
absolument étrangères, nous avons été frappée par la
clarté, l’ordre, la précision et l’abondance des rensei¬
gnements réunis là.
Après avoir fait l’historique de 1 Assistance concer-
— gê¬
nant ces enfants, M. Boürneville établit une documen¬
tation complète de leur hospitalisation dans tous les
établissements publics ou privés de France, mention¬
nant le nombre de places et les conditions d’admission.
Le chiffre des hospitalisés était en 1894 de huit cents
pour la France entière et de neuf cent trente-deux
pour Paris et le département de la Seine, grâce au zèle
et à l’activité du médecin-député, qui avait mis offi¬
ciellement depuis quinze ans, son talent et sa person¬
nalité au service de ces infortunés. L’asile de Bron,
à cette époque, comprenait cinq pensionnaires de cette
catégorie ; i garçon et 4 filles, dont 2 idiots, 2 épilep¬
tiques et une faible d’esprit
L’illustre rapporteur montre ensuite les immenses
progrès réalisés au sujet de cette assistance spéciale,
surtout en Amérique, en Angleterre et dans les Pays
Scandinaves.
Puis il discute les motifs qui justifient non seule¬
ment l’assistance et le traitement mais encore l’ins¬
truction des enfants idiots ou dégénérés. « La loi sur
« l’obligation de l’instruction primaire nous fournit
« un argument nouveau en leur faveur. Pourquoi
« sont-ils abandonnés? Pourquoi ne s’en occuperait-
« on pas? S’ils ne peuvent aller à l’école ordinaire, il
« faut voir ce qu’il convient de faire pour eux »
La question ainsi posée, M. Boürneville développe
et explique de quelle façon doit être donnée cette
instruction. Il démontre que, par la création de
1 Boürneville, Rapport au Congrès de Lyon, p. 41, 1894.
^ Boürneville, Rapport au Congrès de Lyon, p. 184, 1894.
— 95 —
« classes spéciales », beaucoup d’enfants déficients,
peuvent être assistés, traités et instruits sans être
hospitalisés, et il demande pour eux des maîtres et des
médecins spécialisés dans la question.
Mais il insiste, pour le grand nombre, et surtout
pour les plus malades, sur la nécessité de l’hospitali¬
sation dans des Asiles-Ecoles dans le genre de Bicêtre,
tout à la fois hôpital, école primaire et école d’appren¬
tissage.
C’est à ce sujet qu’il précise que : « dans l’intérêt
« des enfants, qui sont des malades^ il conviendrait
« de faire faire un stage, aux instituteurs, aux institu-
« trices, aux maîtres et aux maîtresses de l’ensei-
« gnement professionnel dans des hôpitaux d’enfants,
où existe une école d’infirmiers, et exiger même
{( qu’ils en aient ce diplôme, car très souvent ils auront
« à donner les premiers soins».
Nous nous permettons d’ajouter qu’il serait utile
que les étudiants en médecine aient aussi l’occasion
d’étudier ces malades et de s’en occuper dans toutes
les villes universitaires, afin que la Faculté de Paris
ne soit pas la seule à fournir au corps médical les
renseignements nécessaires, pour être à même de
soigner et d’avertir en connaissance de cause, les
intéressés auxquels ils pourront avoir affaire dans
la suite de leur carrière.
L’expérience réalisée à Bicêtre du vivant de M. Boür-
NEviLLE au sujet de l’apprentissage est particulièrement
intéressante. Rappelons que toutes les publications du
' Bourneville, Rapport au Congrès de Lyon, p. 1 53 et 187, 1894.
— 96 “
Progrès médical et tous les volumes de la Biblio¬
thèque spéciale d'Education, dont, le rapport qui
nous occupe forme le quatrième volume, ont été
imprimés à Bicêtre, à l’atelier de typographie, par les
apprentis de la section des enfants.
Voici comment dans ce volume nous trouvons cité
pour l’année 1898 le résultat du travail des ateliers
d'enfants ^ « La plupart des ateliers travaillent seu-
« lement pour la section et pour l’hospice, d’autres
(( pour la maison, et pour le magasin central des
« hôpitaux (vannerie, paillage, brosserie). Le produit
« du travail est évalué par l'économe et l’architecte de
« Bicêtre, surtout d’après les tarifs du magasin central,
« inférieurs à ceux de la Ville. Pour l’année 1898, il
« s’est élevé au chiffre de 88.666 francs comprenant le
« salaire des maîtres (16,607 francs) et l’intérêt à
« 5 pour 100 du capital (200.000 francs) engagé dans
« la construction donnant à l’Administration un béné-
« fice de 7,000 francs.
« Cet avantage financier est d’ailleurs tout à fait
« secondaire pour nous. L’enseignement professionnel
« fournit une occupation aux enfants, apprend un
« métier à un grand nombre d’entre eux. Tous les ans
« nous en plaçons un certain nombre; nous les faisons
« revenir de temps en temps à notre service, et souvent
« nous avons la satisfaction de constater qu’ils conti-
« nuent à exercer avec fruit la profession que nous
a leur avons fait donner. D’autres, infirmes ou hémi-
« plégiques, passent dans la division des incurables de
Eourneville, Rapport au Congrès de Lyon, p. a 38 et suiv., 1894.
— 97 —
« i hospice, vivent en liberté, vont travailler aüx
« ateliers, atténuant les charges que la Société s’im-
« pose pour eux, et gagnant chaque semaine de quoi
« subvenir à leurs petites fantaisies. »
Et page 191 : « Je revois très, souvent, le plus
« possible, mes anciens malades après leur sortie.
« fous d’ailleurs sont obligés de revenir au moment
« du tirage au sort et j’en profite pour me renseigner
« et m’assurer que je puis les considérer comme vrai-
« ment guéris. J’engage, et les jeunes gens et leurs
« familles, quand il n’y a pas de cause d’exemption,
« à ne pas exciper de leur maladie antérieure, mais
« plutôt à les laisser partir, parce que la discipline du
« régiment complétera les résultats de la discipline de
« la maison d’où ils sortent. »
Enfin la dernière discussion porta sur la propo¬
sition suivante de M. Sabran : installer à l’hospice
de Perron un asile-école pour les idiots et les déficients,
contrairements aux coutumes hospitalières de toujours
les envoyer dans des asiles départementaux d’aliénés.
M. Bourneville ne marchanda au projet ni son
approbation, ni son enthousiasme, non plus que quel¬
ques congressistes. Malheureusement ce vœu est
resté platonique. L’école des aveugles qui existait
alors au Perron en a disparu, et rien ne l’a remplacé
pour les 89 pensionnaires du pavillon Ghambeyron-
Rambaud édifié postérieurement. Dans un hospice
comme le Perron, déjà affecté aux vieillards et aux
adultes incurables, que représentent comme secours
89 lits pour enfants, proportionnellement au chiffre de
la population lyonnaise ?
La seconde ville de France n’est-elle pas Personne
Civile assez considérable pour réaliser la fondation
d’un asile analogue à Bicêtre : hôpital^ avec des cli¬
niques où les étudiants apprendraient la pédiatrie phy¬
siologique et psychologique ; école primaire, avec des
classes où les pédagogues assoupliraient leurs modes
d’enseignement selon les besoins si tristement variés
des infirmités humaines ; et aussi école professionnelle,
assurant la mise en valeur des individus et joignant à
l’enseignement général l’enseignement de la mutualité.
L’emplacement?
L’ancien collège des Minimes.
Le département l’a cédé aux Hospices. MM. les Ad¬
ministrateurs ne pourraient-ils pas, pour le compte de
la Ville ou du Département, y assurer l’hospitalisation
médico-pédagogique réclamée en 1894 par MM. Her¬
man Sabran et Boürneville?
CHAPITRE Y
OBSERVATIONS PERSONNELLES
Depuis le commencement d’octobre 1912, avec
l’autorisation de M. le professeur Lesieur, nous avons
essayé d’appliquer quelques-uns des principes de la
méthode de Seguin et de Bourneville, à un petit
nombre des enfants hospitalisés au Perron, pavillon
Chambeyron-Rambaud.
Absolument étrangère à toute question administra¬
tive, il a fallu nous faire accepter et tolérer dans le
service. C’est grâce à la très grande complaisance de
M. Durand, qui y était alors interne, que nous avons
pu le faire. Il nous a conseillée et guidée au début de
notre travail. Nous l’en remercions cordialement.
Sans les conseils qu’il nous a donnés, malgré toute la
bienveillance de M. le Chef de Service, et l’aide si
dévouée de Sœur Lagoutte, nous n’aurions rien pu
faire.
Dans ce bâtiment d’aspect gai et confortable, malgré
les installations perfectionnées de l’hygiène moderne,
les enfants grouillent à peu près de la même manière
que le faisaient ceux dont parle M. O. d’Haussonville,
dans la hideuse renfermerie décrite par Maxime Du
Camp.
— lOO —
À notre arrivée, il y avait là 87 pensionnaires. Le
Service peut en recevoir 89, dont les lits sont ainsi
répartis :
10 à la charge de la Ville de Lyon, pour l’exécution
de la Fondation Gomy en faveur d’enfants épi¬
leptiques ;
6 lits payants au compte de la Ville ;
2 lits payants ;
21 lits gratuits, pour l’exécution de la Fondation
Ghambeyron-Rambaud.
Tous les enfants, non hospitalisés avec le diagnos¬
tic d’épileptiques, le sont d’abord avec celui d'in¬
curables, sauf à en avoir sur leur fiche un second
dont il n’est jamais fait mention officiellement.
Cette désignation « d’incurables » n’a rien de scien¬
tifique ni de médical C’est la Coutume qui est res¬
ponsable, parce que ce terme est consacré au classe¬
ment général de la population de l’hospice. Cependant,
comme l’a dit M. Bourneville au Congrès de Lyon
de 1894 quand il développa la manière adoptée à
Bicêtre pour établir les catégories d’enfants : « Il faut
« non seulement s’entendre, mais encore voir dans
« l’avenir les conséquences de ce que l’on faitL »
La sélection était précisément la tâche que M. lé pro¬
fesseur Lesieur avait eu la bonté de nous donner comme
travail de début; mais la Coutume écrase des bonnes
volontés plus fortes, plus puissantes et plus averties
‘ Bourneville. Congrès de Lyon, 1894 : Bihl. d’éduc. spéciale,
t. IV, p. 189. . .
lot —
que la nôtre. Ce vocable, indifféremment appliqué à
rhospice, aux vieillards et aux enfants, transforme pour
ces derniers le si bel établissement du Perron en in
pace.
Le temps d’expérience étant limité, et toute prépa¬
ration impossible, nous avons choisi pour notre essai
d’enseignement rationnel les moins déshérités de ces
enfants, éliminant par principe tous les épileptiques.
Ceux-ci forment, en effet, une classe à part de
malades relevant toute leur vie de l’hospitalisation.
Quant aux gâteux, bien que quelques-uns soient sus¬
ceptibles d’amélioration, ils échappaient à notre bon
vouloir par l’impossibilité absolue d’une organisation
quelconque des soins les concernant.
Au début, nous ne nous sommes donc occupée que
des enfants les plus aptes à recevoir un enseignement
quelconque, soit comme écoliers, soit comme apprentis.
Voici les observations de cinq d’entre eux :
11® OBSERVATION
N“ 19 . Jean PER... Age : seize ans. Entrée ; août 1906 .
Indisciplinahle.
1912, octobre. — Per... est le troisième de cinq enfants, dont
la mère est veuve. L’instituteur de son quartier a refusé de le
garder à l’école, le jugeant « indisciplinable et anormal ».
A Thospice, l’enfant s’est toujours montré taciturne, mais
paisible, parce qu’il est, la plupart du temps, constamment livré
à lui-même, et jamais contrarié. Très maladroit, gaucher, il fut
toujours jugé, a priori, incapable d’apprendre quoi que ce soit.
Ponctuel et docile, il a été chargé des commissions à la cuisine
et à la pharmacie ; il s’en acquitte régulièrement, ne parlant à
personne, pas même pour dire « bonjour », ni « mei’ci «. Il ne
cause un peu qu’avec ses camarades, sans jamais élever la voix.
Examen somatique négatif.
Strabisme interne alternant (0. D. fonctionne seul). Léger
ectropion avec déformation de la paupière inférieure à gauche.
Voûte palatine ogivale.
Végétations adénoïdes.
Bonne santé habituelle, développement normal pour son âge.
1913, juin. — Le strabisme se corrige parle port de lunettes,
avec lesquelles Per... peut suivre l’enseignement au tableau
noir. L’irrégularité de notre surveillance, que nous ne pouvons
exercer que deux heures, trois fois par semaine, ne nous a pas
permis de lui imposer l’habitude de les porter. Actuellement, il
ne les met plus du tout (janvier 1914 ).
Il apprit très vite à se servir de sa main droite pour tracer des
lignes, des figures et des lettres, sur l’ardoise, puis au crayon.
Il connaît ses lettres, commence à syllaber. Ce sont les chiffres
et la numération qui paraissent être le plus à la portée de son
intelligence.
Malheureusement, cet enfant, capable de rendre des services
journaliers, est constamment réclamé pour les soins de la maison,
et, de plus, n’assiste aux leçons que loi'squ’il le veut bien. La
politesse a fait quelques progrès.
12« OBSERVATION
Jean DIO... Age : seize ans. Entrée : novembre 1906 .
Comitial (?)
1912, octobre. — Antécédents paternels très chargés. Père
mort il y a deux ans; alcolisme invétéré, syphilis probable, bron¬
chite à répétitions et ultime.
Dio... a passé sa première enfance en état de crises épilep¬
toïdes subintrantes. Il eut à subir plusieurs traitements et dif¬
férentes opérations à Saint-Pothin, à la Charité, à Gien. C’est
io3 —
dans ce dernier hôpital qu’il cessa d'être gâteux, et qu’il apprit
à manger seul, il devait avoir environ six ou sept ans. Depuis
son entrée au Perron (à dix ans), il n a jamais pris de crises.
Bonne santé habituelle.
Très émotif, il se mettait au début facilement en colère.
Petit de taille, d’apparence un peu frêle, il est cependant
dans un état de développement général satisfaisant. Pas de para¬
lysie, ni d’atrophie à signaler a priori.
Pourtant, à la mensuration, il faut noter à gauche :
Membre supérieur plus court . . de o,oi cm.
— inférieur — — . . de o,o 3 cm.
Biceps plus mince.de 0,02 cm.
Mollet — — ...... de 0,02 cm.
Les réflexes tendineux et musculaires sont exagérés.
A noter ; ni Babinsky, ni trépidation épileptoïdes, ni clonus
de la rotule.
Claudication et impotence légères à gauche.
Force satisfaisante.
Au crâne : les bosses frontales, pariétales et occipitales sont
plus développées à droite qu’à gauche.
A la face : abolition des mouvements de la mâchoire inférieure,
des deux côtés, et d'avant en arrière, et, dans l’articulation du
langage, projection involontaire de la langueen avant et à droite.
Malformation dentaire ; avulsion de l'incisive médiane supé¬
rieure ; les autres dents érodées en coup d’ongle sont très irré¬
gulières, avec bords tranchants crénelés.
A l’œil droit, traces d’ancienne kératite interstitielle, pas de
paralysie oculaire; léger nystagmus inconstant, se produisant
en particulier quand l'enfant fixe quelque chose. Strabisme,
inconstant aussi, se corrigeant par le port de lunettes.
Pas de surdité.
Examen négatif du cœur et du poumon.
Tension artérielle à peu près normale.
1913 i 3 février. — Un examen électrique fait à l’Hôtel-Dieu
par M. le professeur Cluzeta donné : muscles et nerfs normaux.
Qüand nous avons commencé à nous occuper de lui, nous
avons constaté que Dio... avait appris à lire tout seul et qu’il
cherchait à apprendre à écrire en imitant les caractères d’im¬
primerie.
La lecture à haute voix offre de grandes difficultés à cause :
— d’une émission vocale défectueuse, de la projection de la lan¬
gue, et de mouvements restreints de la mâchoire inférieure.
L’écriture aussi est difficile, l’enfant n’est pas complètement
maître de ses mouvements. Son allure générale est, à notre avis,
celle d’un ancien choréique encore instable, avec encéphalite
antérieure.
Plein de bonne volonté, il fait de sérieux progrès; il est docile,
intelligent, a bonne mémoire. Nous regrettons, surtout pour lui,
de ne plus être en état de donner les leçons de gymnastique des
mouvements. Tous ces enfants en ont un réel et impérieux
besoin.
13* OBSERVATION
Francisque MOU... Age : treize ans. Entrée : 19 novembre 1908 .
Amnésie. — Débilité mentale.
1912, octobre. —- Cet enfant est l’aîné de quatre, dont deux
sont morts de convulsions. Son frère et lui en ont eu également.
Très petit pour son âge. Physionomie maussade. Progna¬
thisme marqué de la mâchoire inférieure.
Malformation bilatérale et symétrique des annulaires et des
auriculaires; l’articulation phalango-phalanginienne est main¬
tenue en flexion presque à angle droit, par la rétraction des
tissus de la face palmaire des doigts.
Surdité sensible à gauche.
Strabisme du même côté au repos, non corrigé par les
lunettes.
1913, 25 avril. — Ablation des végétations adénoïdes par
M. le professeur Collet, qui a constaté que la membrane du
tympan, à gauche, portait des traces de sclérose (non expli¬
quées).
- 100 -
Au début des leçons, le diagnostic d’amnésie paraît justifié
mais l’enfant, préparé par la Sœur à faire sa première commu¬
nion, arriva assez vite à retenir tout son catéchisme, et, depuis,
il peut être chargé de l’apprendre aux autres.
Il est intelligent, devait savoir lire et écrire avant son entrée
au Perron; il comprend plus vite que Dio... mais retient
moins bien.
Vaniteux jusqu’à la sottise, il est très content de lui, affecte
l’indifférence aux compliments comme aux reproches, accepte
les uns en levant les épaules, mais discute les autres d’un air
sarcastique. Trois fois, à la suite d’observations, il a essayé de
se sauver.
Tout nous porte à croire que Mou... a été hospitalisé pour
cause d’habitudes vicieuses, dont une énurésie, seulement
diurne, nous paraît être la conséquence. Dans ces conditions,
son hospitalisation serait justifiée, autrement l’enfant serait bien
mieux à sa place dans une classe de perfectionnement.
Quand nous l’avons examiné, l’enfant disait ne sentir aucun
besoin et s’apercevoir subitement que son pantalon était mouillé.
Une surveillance attentive et éclairée, les conseils et les admo¬
nestations réitérées qu’entraînait l’enseignement du catéchisme
amenèrent un changement dans le caractère et les habitudes.
La physionomie de l’enfant, qui s’était déjà heureusement
modifiée, s’anima de plus en plus à partir de février après l’abla¬
tion des amygdales. Il avait alors assez bonne tenue. Interrogé
le 9 mai il assure qu’il respire mieux ; il tient en effet habituelle¬
ment la bouche fermée pour respirer.
Notre si dévouée collaboratrice. Sœur Lagoutte, ayant alors
pris son congé annuel, toutes les mauvaises habitudes se sont
reproduites graduellement avec leurs conséquences intellec¬
tuelles et physiques, entre autres l’énurésie. C’était à recom¬
mencer.
1914 . _ Actuellement l’enfant travaille bien. 11 désire se
mettre en état de passer le certificat d'études, pour pouvoir
quitter le Perron et faire son apprentissage.
— io6 —
14 ® OBSERVATION
Arthur BR A... Age: quinze ans. Entrée ; le 6 mai 1908.
Débilité mentale.
1912 , octobre. — Antécédents : Père alcoolique. Mère morte
hydropique (?) Un frère plus jeune de très grande taille; trois
sœurs dont l’une est aveugle.
Bra... ne peut donner aucun l’enseignement sur son enfance.
Depuis son arrivée au Perron, il n’a jamais été malade.
Il est très grand pour son âge; taille i m. 72 environ; 3 o cen¬
timètres de tour au biceps; 36 centimètres au mollet; le péri¬
mètre thoracique en inspiration moyenne est de 92 centimètres.
A noter le volume des extrémités.
Prognathisme très marqué de la mâchoire inférieure. Chevau¬
chement et mauvaise implantation des incisives inférieures.
Rien au poumon.
Rien au cœur. Tension artérielle peut-être un peu forte. Pouls
régulier à 78.
Corps thyroïde perceptible, de volume normal.
Testicules non ectopiés, de volume normal.
Abdomen développé; digestions normales, bien que la nourri¬
ture soit absorbée en quantité surprenante.
Réflexes normaux.
Urine très abondante.
Analyses de M. le Pharmacien de l’hospice :
12 octobre 19 octobre
Volume en 24 heures . 2.o5o 3.220
Chlorures. 20 gr. 37 gr. 67
Acide phosphorique. . . 3,997 4,588
Urée. 65 , 3 i 58,67
Albumine. o o
Glucose. o o
Azoturie, phosphaturie, chlorurie intenses; éliminations
extraordinairement exagérées,
— 107 —
23 octobre. — Radiographie du crâne par M. le professeur
Cluzet. Très grands sinus. Selle turcique plus petite que nor¬
malement, et surtout beaucoup plus fermée.
Gabier de pharmacie, i®’’ novembre. — Extrait d’hypophyse
o,o5, à continuer.
L’enfant ayant, paraît-il, refusé de prendre le médicament, il
ne fut plus question de l’ordonnance médicale.
1913^ juin. — Des radiographies de M. le professeur agrégé
Nogier laisse apercevoir tous les cartilages de conjugaison.
Cet enfant est bon, docile et très actif. Il sait un peu coudre,
tricoter, faire le filet ; il avait construit un chariot pour amuser
ses camarades. Nous le croyons très apte à apprendre un métier
manuel.
Il se laisse facilement influencer. Au début, il se rangea parmi
ceux qui refusèrent de prendre part aux exercices par lesquels
nous avons commencé notre essai d’éducation. Il affectait même
de prendre vis-à-vis de nous une allure triviale et grossière.
Peu à peu la gourmandise et la curiosité l’attirèrent aux leçons.
II y vient à peu près régulièrement. L’attention cérébrale le
fatigue ; il s’endort toutes les fois qu’il fait un effort strictement
intellectuel: syllaber, compter, apprendre de mémoire. Il peut
écrire longtemps. C’est pour lui un exercice purement manuel ;
il copie vite et assez bien; mais il n’a pas encore appris à lire.
Il est difficile de le discipliner, parce que, grâce aux qualités
de son caractère, il a dans le service un peu les allures d’un
enfant gâté.
15® OBSERVATION
Edmond CH A... Age: lo ans. Entrée:
1913^ juin. — L’école pouvant donner sans notre intervention
d’excellents résultats, nous avons cru, avant de terminer notre
thèse, devoir essayer de nous occuper d’un gâteux.
Nous avons fait choix d’un enfant de dix ans, jouissant du
libre exercice de ses quatre membres, sans tics particuliers, et
— io8 —
pouvant être compté parmi les moins vicieux. Sans aucune
aptitude à l’imitation, tous ses mouvements étaient incoor¬
donnés et sans rythme.
Il entend, mais ne parle pas. Son mutisme appartient donc à
la catégorie signalée par Itard, du « mutisme par la lésion des
fonctions intellectuelles »; cette lésion correspondrait psycholo¬
giquement à la lésion du sens auditif au physique, alors le
terme de s«rt/i7é psychique pourrait, il nous semble, lui être
appliqué.
Etat somatique normal.
Pour les leçons, nous nous sommes isolée avec lui en trans¬
formant le « cachot » en salle d’étude particulière.
Les premières manifestations de volonté furent tout à fait de
révolte. Lorsque, tout en le contraignant, nous nous sommes
efforcée avec douceur de faire exécuter régulièrement par
l’enfant les mouvements d’élévation et d’abaissement des bras,
il nous échappait, allait se recroqueviller dans un coin, et nous
menaçait de ses poings en soufflant à la manière des chats. En
insistant nous avons abouti à une exaspération, pendant laquelle
il répétait indéfiniment; non, non, non, non.
Nous avons alors eu l’idée de nous adjoindre un de nos pre¬
miers élèves, le petit Jean Pel..., âgé de neuf ans, habitué dès le
début des leçons aux mouvements d’ensemble. Dès la première
séance, Edmond consentità nous laisser guider ses bras, et peu à
peu suivit le mouvement.
Il nous fut impossible de lui apprendre à jouer à la balle.
Mais nous étions presque arrivée à le faire manger propre¬
ment. Nous n’avons malheureusement pas pu persister à nous
occuper de lui jusqu’à ce qu’il fût possible de l’accepter au
réfectoire. Cette partie de notre éducation compliquait trop le
service, et les progrès étaient très lents, car nous ne pouvions
assister qu’à un des repas de la journée, et seulement trois fois
par semaine. Nous avons le regret de le voir de nouveau se
servir pour manger, autant de ses mains que de sa cuiller.
1914. ■— Il garde l’habitude de venir à l’école, même quand
nous en sommes absente. Nous en exprimons ici toute notre
— log —
reconnaissance à Sœur Lagoutte, qui a toujours eu la bonté de
le supporter. L’esprit d’imitation lui vient peu à peu. Il a toujours
été propre à l’école, sauf en six mois, un ou deux petits acci¬
dents.
Nous sommes convaincue que non seulement Edmond Cha ..,
mais encore plusieurs autres des enfants qui sont là pourraient
être très améliorés, peut-être même guéris, en leur appliquant
méthodiquement le traitement médico-pédagogique.
Ces enfants ne sont pas les seuls qui viennent aux
réunions scolaires de Chambeyron; les présences
d’élèves varient, suivant les circonstances, de 6 à 12 .
Per..., Dio..., Mou..,, Arthur et d’autres encore
seraient très susceptibles de retirer du traitement
complet médico-pédagogique un très bon résultat.
Edmond n’est ici qu’une indication en faveur des plus
déshérités.
Les causes d’insuccès sont nombreuses.
Pas une seule, a priori, ne peut être imputée à l’état
des enfants.
Ils représentent le problème à résoudre.
Depuis un siècle, les médecins s’y emploient de
leur mieux avec l’aide de certains pédagogues avertis
et dévoués.
Mais la jeunesse studieuse les ignore.
Que nos maîtres nous donnent des cliniques où cette
misère soit livrée aux méditations et aux efforts des
étudiants, et Itard, Félix Voisin, Delasiauve, Bour-
NEViLLE, auront des émules et des successeurs.
CONCLUSIONS
I. — Les enfants relevant du traitement médico-
pédagogique sont : les idiots et les déficients de toutes
les catégories. Ils doivent tous être hospitalisés.
IL — Le traitement est essentiellement du ressort
médical. Son but est de produire l’activité cérébrale :
par l’éducation des réflexes ; 2® par celle des mou¬
vements volontaires; 3 ° par celle des sens; et d’at¬
teindre ainsi à la coordination physiologique et psy¬
chologique. Les médecins qui se consacrent à cette
éducation doivent se faire assister par un personnel
pédagogique et un personnel infirmier spécialement
formés par eux.
III. — Le corollaire de ces conclusions est la néces¬
sité de la création dans toutes les villes universitaires
à’Asiles-Ecoles y tout ensemble hôpitaux, écoles pri¬
maires, écoles d’apprentissage, largement ouverts aux
étudiants en médecine.
Vu :
LK DOYEN,
L. HUGOUNENQ. Va:
LE PRÉSIDENT DE LA THESE,
WEILL
Vn et permis d'imprimer:
Lyçn, le a6 février 1914,
LP. RECTEUR, PRESIDENT DD CONSEIL DE l'uNIVERSITÉ,
JOUBIN
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Monde médical, 15 mars 1913.
Presse médicale, 12 avril 1913.
Revue des Deux Mondes, mars 1877.
TABLE DES MATIÈRES
Introduction . y
Chapitre premier. — Discussion et choix des tei’ines pour
désigner les enfants justiciables d’un traitement
médico-pédagogique. i3
Chapitre II. — Précurseurs de Seguin et de Bourneville. 20
§ 1 . Les précurseurs. 21
§ IL Les maîtres : Itard, Esquirol.24
§ III. Les contemporains . 84
Chapitre III. — Edouard Seguin (1812-1880) .... 58
Chapitre IV. — Bourneville (1840-1909).72
Chapitre V. — Observations personnelles.99
Conclusions ..i * i
Bibliographie ..113
tiÿoâ. — tmpriineri© A, Hit, 4, rue Gentil. — G7130